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samedi 9 mai 2020

Carpe Diem


Carpe Diem

Hélas ! quand on connaît la vie,
Quand on sait la fragilité
De tous ces biens que l’on envie,
Hélas ! quand on connaît la vie,
Il n’est plus de sécurité.

Du jour qui brille on jouit vite;
A la hâte on cueille en chemin
La fleur qui s’ouvre et nous invite ;
Du jour qui brille on jouit vite,
Car aura-t-il un lendemain ?

Chaque plaisir est une grâce ;
On la marque d’un caillou blanc
Afin d’en conserver la trace ;
Chaque plaisir est une grâce
Que le cœur accepte en tremblant.

On sent que derrière la toile
Ce n’est pas le bonheur qui dort ;
Loin de compter sur son étoile,
On sent que derrière la toile
Sont les maux, le deuil et la mort.

Sources: Jour à jour, poésies intimes, par H.-Frédéric Amiel. 1880.

mercredi 29 avril 2020

La Couronne


LA COURONNE

Tout homme en ce bas monde ainsi que toi soupire.
Va, cesse de former d'inutiles projets !
Dieu pourrait te donner la fortune et l'empire :
Le bonheur ici-bas, tu ne l'auras jamais.

Du désir qui dévore au regret qui déchire
Sache qu'il n'est qu'un pas : c'est celui que tu fais.
Ce bonheur où ton âme incessamment aspire
N'est qu'un rapide songe entre deux jours mauvais.

Ta part est dans ton coeur, c'est là qu'il faut la prendre ;
Ensuite dans la Croix et c'est là qu'il faut tendre :
Tes autres vieux seront moins remplis qu'expiés.

Tu te crois sans nul bien : quand viendra la tempête,
Tu compteras les Heurs que Dieu mit sur ta tète
En les voyant tomber feuille à feuille à tes pieds.

Louis Veuillot / La France Illustrée / 21 mai 1910 / nr. 1851

lundi 4 février 2019

Les quatre Vents


Comme je m'acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent du Nord.
Il était vêtu d'un grand manteau et portait une couronne déglaçons.
Il me dit :
« Laisse-moi t'emporter vers les neiges. Tu verras les forêts de
pins qui abritent des troupeaux de loups errants.
Tu verras le vol des grands cygnes sauvages au-dessus des fjords où s'ébattent les phoques de velours humide. Tu verras aussi les montagnes, les palais, les cités et les jardins de cristal translucide qui voguent sur l'eau d'hiver.
Tu verras ces énormes solitudes que seuls osent traverser les ours blancs.
Tu entendras le grelot sonore et mince de ces traîneaux finlandais qu'emporte le léger galop des rennes.
Viens! Tu entreras dans l'énorme silence blanc. »
 
Je répondis au Vent du Nord :
« Je ne puis quitter mon village, puisque la jeune fille que j'aime y demeure. »
Le Vent du Nord s'enfuit, en un frisson d'ailes.

Comme je m'acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent de l'Est. 
Il était vêtu de pourpre et portait une couronne de rayons rouges.
Il me dit :
« Laisse-moi Remporter vers la lumière.
Tu verras ces mousmés dont la robe de soie riante est 
brodée d'oiseaux et de fantastiques paysages. 
Elles s'éparpillent en de minuscules jardins dont les très petits arbres sont parés de lucioles comme de lanternes.
Tu verras les pagodes de l'éternel Bouddha, ces étranges pagodes aux mille clochetons dentelés. »
Le Vent de l'Est se tut un instant et reprit : 
« Je te montrerai les temples hindous entourés de religieux étangs d'où s'élèvent les lotus sacrés. Au fond de ces terribles sanctuaires où sont les images sacrées, la terreur règne.
Mais, dans le doux Japon féerique qui est aussi de mon domaine, tu verras le bienfaisant Bouddha et l'éternel sourire répandu sur toute sa face paisible. »

Je répondis au Vent de l'Est :
« Je ne puis quitter mon village, car la jeune fille que j'aime y demeure. »
Le Vent de l'Est s'enfuit.

Comme je m'acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent du Sud.
Celui-là était vêtu d'or et portait une couronne d'étoiles.
Il me dit :
« Laisse-moi t'emporter vers l'azur.
Tu verras les sables éternels qui emprisonnent des sphinx accroupis dont les yeux de pierre s'ouvrent sur l'immensité.
Tu verras les peuplades noires qui hurlent à la lune, ainsi que des chiens inquiets.
Tu verras aussi les brousses très pâles où rôde la soif.
Tu verras enfin ces îles d'or où les femmes amoureuses s'endorment en des hamacs de soie parmi les oiseaux .et les fleurs. »

je répondis au Vent du Sud: « Je ne puis quitter mon village. Car la jeune fille que j'aime y demeure. »
Le Vent du Sud s'enfuit, en un frisson d'ailes.

Comme je m'acheminais vers la colline, je rencontrai le Vent de l'Ouest.
Il était vêtu de vert et portait une couronne de perles humides, il dit :
« Laisse-moi t’emporter vers la mer.
Tu verras l'infini du ciel et de l'eau, de l'eau et du ciel.
Tu te réjouiras du léger passage des voiles dont la blancheur frissonnante se colore, vers le couchant, de pourpre et d'or rouge.
Tu verras les formes architecturales des poissons monstrueux et le vol circulaire des goélands qui tournoient infatigablement au-dessus des mâts.
Tu verras mes brumes que j'évoque dans le soir et l'embrun que je fais jaillir des vagues.
Tu verras ces divins couchers de soleil qui précèdent la lune. »

Je répondis au Vent de l'Ouest :
« Je ne puis quitter mon village. Car la jeune fille que j'aime y demeure. »
Le Vent de l'Ouest s'enfuit, lui aussi, dans un frisson d'ailes.
Moi, je demeurai solitaire, dans la bonne chaumière où le feu brûlait. Et je regarde les flammes.


Origines:
Renée Vivien (1877-1909). 
Poèmes en prose 
Éditeur : E. Sansot (Paris) 
Date d'édition : 1905-1915


vendredi 31 août 2018

Who am I?



Who am I?

Who am I? They often tell me 
I would step from my cell`s confinement 
calmly, cheerfully, firmly, 
like a squire from his country-house.


Who am I? They also tell me 
I would talk to my warders 
freely and friendly and clearly, 
as though it were mine to command.


Who am I? They also tell me 
I would bear the days of misfortune 
equably, smilingly, proudly, 
like one accustomed to win.


Am I then really all that which other men tell of?
Or am I only what I myself know of myself, 
restless and longing and sick, like a bird in a cage, 
struggling for breath, as though hands were compressing my throat, 
yearning for colors, for flowers, for the voices of birds, 
thirsting for words of kindness, for neighborliness, 
trembling with anger at despotisms and petty humiliation, 
tossing in expectation of great events, 
powerlessly trembling for friends at an infinite distance, 
weary and empty at praying, at thinking, at making, 
faint, and ready to say farewell to it all?


Who am I? This or the other? 
Am I one person today, and tomorrow another? 
Am I both at once? A hypocrite before others, 
and before myself a contemptibly woebegone weakling? 
Or is something within me still like a beaten army, 
fleeing in disorder from victory already achieved?


Who am I? They mock me, these lonely questions of mine. 
Whoever I am, thou knowest, O God, I am thine. 

Dietrich Bonhoeffer