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samedi 9 mai 2020

Carpe Diem


Carpe Diem

Hélas ! quand on connaît la vie,
Quand on sait la fragilité
De tous ces biens que l’on envie,
Hélas ! quand on connaît la vie,
Il n’est plus de sécurité.

Du jour qui brille on jouit vite;
A la hâte on cueille en chemin
La fleur qui s’ouvre et nous invite ;
Du jour qui brille on jouit vite,
Car aura-t-il un lendemain ?

Chaque plaisir est une grâce ;
On la marque d’un caillou blanc
Afin d’en conserver la trace ;
Chaque plaisir est une grâce
Que le cœur accepte en tremblant.

On sent que derrière la toile
Ce n’est pas le bonheur qui dort ;
Loin de compter sur son étoile,
On sent que derrière la toile
Sont les maux, le deuil et la mort.

Sources: Jour à jour, poésies intimes, par H.-Frédéric Amiel. 1880.

jeudi 7 mai 2020

Les Crises, les Mots, les Idées… et la Duperie.



Les Crises, les Mots, les Idées… et la Duperie.

Je trouve le moment idéal pour s’occuper un peu avec les mécanismes de l'association et de la dissociation des idées.
En ces temps de crises, « Crise économique et sociétale » que l’on tente de camoufler derrière la nappe de brouillard générée par la « Crise sanitaire » due au Virus Corona, nous parlons beaucoup, nous lisons beaucoup, nous sommes inondés par un flux ininterrompu d’informations ayant le but de nous faire penser ce que nous devons penser.
Oui, nous sommes tous manipulés, et trop peu de gens en sont vraiment conscient. On nous bombarde avec des mots et des images, des chiffres et des statistiques, des textes, des messages, des informations, venant de partout et sur toutes sortes de thèmes.
Des millions de personnes confinés, les économies mises en sommeil, la vie de tous les jours devenant plus une incarcération qu’autre chose, les réactions et les actions chaotiques du monde politique occidental, le manque des matériaux nécessaires pour faire face à la maladie COVID-19, tout cela répand parmi les populations une peur insidieuse, une sorte de paranoïa encore jamais atteinte.
Une des causes de cette « peur » est clairement le langage utilisé dans les informations…
Tout ce que l’on nous dits, nous fait croire est-il réel, est-ce la Vérité, ou bien est-ce plutôt une « vérité » parmi d’autres vérités ?
Il n’est pas facile de se faire une idée de la « Réalité », c’est peut-être même impossible… donc soyons prudent, ne croyons pas tout ce que l’on veut nous faire croire, soyons conscient d’une chose : les MOTS et le LANGAGE sont de grandes causes de duperie…
Les mots dont sont formé nos phrases, nos textes, nos informations ; ces mots peuvent, suivant le contexte où l’auteur, avoir des significations différentes… alors,

Ci-dessous un petit essay sur le sujet, paru en Janvier 1900 (cela parait dépassé, mais c’est très actuel). L’Auteur, Rémy de Gourmont, écrivain, à la fois romancier, journaliste et critique d'art, proche des symbolistes pratiquait une forme de discernement qu'il baptise la « dissociation d'idées ». Une part importante de son œuvre d'essayiste est consacrée à cet exercice cérébral, qui consiste à faire la part des choses : l'idée juste est colonisée par l'amalgame qui en fait à la fois un cliché et une idée fausse. L'idée reçue est le résultat de cette opération qui réunit des éléments vrais pour en faire une idée fausse, par l'illusion que leur réunion est la normalité. Le travail de dissociation permet de délivrer la vérité de sa partie polluée, pour retrouver « l’idée pure ».



LES MOTS ET LES IDEES

Mercure de France – Nr 121 - Tome XXXIII – Janvier-Février 1900
Origine : Bibliothèque nationale de France

Il y a deux manières de penser ou accepter telles qu'elles sont en usage les idées et les associations d'idées, ou se livrer, pour son compte personnel, à de nouvelles associations et, ce qui est plus rare, à d'originales dissociations d'idées. L'intelligence capable de tels efforts est, plus ou moins, selon le degré, et selon l'abondance et la variété de ses autres dons, une intelligence créatrice. Il s'agit ou d'imaginer des rapports nouveaux entre les vieilles idées, les vieilles images, ou de séparer les vieilles idées, les vieilles images unies par la tradition, de les considérer une à une, quitte à les remarier et à ordonner une infinité de couples nouveaux qu'une nouvelle opération désunira encore, jusqu'à la formation toujours équivoque et fragile de nouveaux liens. Dans le domaine des faits et de l'expérience, ces opérations se trouveraient limitées par la résistance de la matière et l'intolérance des lois physiques dans le domaine purement intellectuel, elles sont soumises à la logique mais la logique étant elle-même un tissu intellectuel, ses complaisances sont presque infinies. Véritablement l'association et la dissociation des idées (ou des images l'idée n'est qu'une image usée) évoluent selon des méandres qu'il est impossible de déterminer et dont il est difficile même de suivre la direction générale. Il n'est pas d'idées si éloignées, d'images si hétéroclites que l'aisance dans l'association ne puisse joindre au moins pour un instant. Victor Hugo, voyant un câble qu'on entoure de chiffons à l'endroit où il porte sur une arête vive, voit en même temps les genoux des tragédiennes qui sont matelassés contre les chutes dramatiques du cinquième acte (1); et ces deux choses si loin, un cordage amarré sur un rocher et les genoux d'une actrice se trouvent, le temps de notre lecture, évoquées dans un parallèle qui nous séduit parce que les genoux et la corde, les uns en dessus, l'autre en dessous, au pli, sont également « fourrés »(2), parce que le coude que fait un câble ainsi jeté ressemble assez à une jambe pliée, parce que la situation de Giliatt est parfaitement tragique et enfin parce que, tout en percevant la logique de ces rapprochements, nous en percevons, non moins bien, la délicieuse absurdité.

De telles associations sont nécessairement des plus fugitives, à moins que la langue ne les adopte et n'en fasse un de ces tropes dont elle aime à s'enrichir ; il ne faudrait pas être surpris que ce pli d'un câble s'appelât le « genou » du câble. En tout cas les deux images restent prêtes à divorcer ; le divorce règne en permanence dans le monde des idées, qui est te monde de l'amour libre. Les gens simples parfois en demeurent scandalisés celui qui pour la première fois, selon que l'un ou l'autre des termes est le plus ancien, osa dire la « bouche » ou la « gueule » d'un canon fut sans doute accusé soit de préciosité soit de grossièreté. S'il est malséant de parler du genou d'un cordage, il ne l'est point d'évoquer le « coude » d'un tuyau ou la « panse » d'un flacon. Mais ces exemples ne sont donnés que comme types élémentaires d'un mécanisme dont la pratique nous est plus familière que la théorie. Nous laisserons de côté toutes les images encore vivantes pour ne nous occuper que des idées, c'est- à-dire de ces ombres tenaces et fugaces qui s'agitent éternellement effarées dans les cerveaux des hommes.

Il y a des associations d'idées tellement durables qu'elles paraissent éternelles, tellement étroites qu'elles ressemblent à ces étoiles doubles que l'œil nu en vain cherche à dédoubler. On les appelle volontiers des « lieux communs ». Cette expression, débris d'un vieux terme de rhétorique, « loci communes sermonis » a pris, surtout depuis les développements de l'individualisme intellectuel, un sens péjoratif qu'elle était loin de posséder à l'origine, et encore au dix-septième siècle. En même temps qu'elle s'avilissait, la signification du « lieu commun » s'est rétrécie jusqu'à devenir une variante de la banalité, du déjà vu, déjà entendu, et, pour la foule des esprits imprécis, le lieu commun est un des synonymes de cliché. Or le cliché porte sur les mots et le lieu commun sur les idées le cliché qualifie la forme ou la lettre, l'autre le fond ou l'esprit. Les confondre, c'est confondre la pensée avec l'expression de la pensée. Le cliché est immédiatement perceptible le lieu commun se dérobe très souvent sous une parure originale. Il n'y a pas beaucoup d'exemples, en aucune littérature, d'idées nouvelles exprimées en une forme nouvelle ; l'esprit le plus difficile doit se contenter le plus souvent de, l'un ou de l'autre de ces plaisirs, trop heureux quand il n'est pas privé à la fois de tous les deux cela n'est pas très rare. Le lieu commun est plus et moins qu'une banalité c'est une banalité, mais parfois inéluctable c'est une banalité, mais si universellement acceptée qu'elle prend alors le nom de vérité. La plupart des vérités qui courent le monde (les vérités sont très coureuses) peuvent être regardées comme des lieux communs, c'est-à-dire des associations d'idées communes à un grand nombre d'hommes et que presque aucun de ces hommes n'oserait briser de propos délibéré. L'homme, malgré sa tendance au mensonge, a un grand respect pour ce qu'il appelle la vérité ; c'est que la vérité est son bâton de voyage à travers la vie c'est que les lieux communs sont le pain de sa besace et le vin de sa gourde. Privés de la vérité des lieux communs, les hommes se trouveraient sans défense, sans appui et sans nourriture. Ils ont tellement besoin de vérités qu'ils adoptent les vérités nouvelles sans rejeter les anciennes ; le cerveau de l'homme civilisé est un musée de vérités contradictoires. Il n'en est pas troublé, parce qu'il est successif. Il rumine ses vérités les unes après les autres. II pense comme il mange. Nous vomirions d'horreur si l'on nous présentait dans un large plat, mêlés à du bouillon, à du vin, à du café, les divers aliments depuis les viandes jusqu'aux fruits qui doivent former notre repas « successif » ; l'horreur serait aussi forte si l'on nous faisait voir l'amalgame répugnant des vérités contradictoires qui sont logées dans notre esprit. Quelques intelligences analytiques ont essayé en vain d'opérer de sang-froid l'inventaire de leurs contradictions ; à chaque objection de la raison le sentiment opposait une excuse immédiatement valable, car les sentiments, comme l'a indiqué M. Ribot, sont ce qu'il y a de plus fort en nous, où ils représentent la permanence et la continuité. L'inventaire des contradictions d'autrui n'est pas moins difficile, s'il s'agit d'un homme en particulier on se heurte à l'hypocrisie qui a précisément pour rôle social d'être le voile qui dissimule l'éclat trop vif des convictions bariolées. Il faudrait donc interroger tous les hommes, c'est-à-dire l'entité humaine, ou du moins des groupes d'hommes assez nombreux pour que le cynisme des uns y compense l'hypocrisie des autres.

Dans les régions animales inférieures et dans le monde végétal, le bourgeonnement est un des modes de création de la vie on voit également se produire la scissiparité dans le monde des idées, mais le résultat, au lieu d'être une vie nouvelle, est une abstraction nouvelle. Toutes les grammaires générales ou les traités élémentaires de logique enseignent comment se forment les abstractions on a négligé d'enseigner comment elles ne se forment pas, c'est-à-dire pourquoi tel lieu commun persiste à vivre sans postérité. C'est assez délicat, mais cela prêterait à des remarques Intéressantes on appellerait ce chapitre les lieux communs réfractaires ou impossibilité de certaines dissociations d'idées. Il serait peut-être utile d'examiner d'abord comment les idées s'associent entre elles, et dans quel but. Le manuel de cette opération est des plus simples ; son principe est l'analogie. Il y a des analogies très lointaines il y en a de si prochaines qu'elles sont à la portée de toutes les mains. Un grand nombre de lieux communs ont une origine historique deux idées se sont unies un jour sous l'influence des événements et cette union fut plus ou moins durable. L'Europe ayant vu de ses yeux l'agonie et la mort de Byzance accoupla ces deux idées, Byzance–Décadence, qui sont devenues un lieu commun, une incontestable vérité pour tous les hommes qui écrivent et qui lisent, et nécessairement, pour tous les autres, pour ceux qui ne peuvent contrôler les vérités qu'on leur propose. De Byzance, cette association d'idées s'est étendue à l'Empire romain tout entier, qui n'est plus, pour les historiens sages et respectueux, qu'une suite de décadences. On lisait récemment dans un journal grave « Si la forme despotique- avait une vertu particulière, constitutive de bonnes armées, est-ce que l'avènement de l'empire n’aurait pas été une ère de développement dans la puissance militaire des Romains ? Ce fut au contraire le signal de la débâcle et de l'effondrement (3). » Ce lieu commun d'origine chrétienne a été popularisé dans les temps modernes, comme on le sait, par Montesquieu et par Gibbon il a été magistralement dissocié par M. Gaston Paris (4) et n'est plus qu'une sottise. Mais comme sa généalogie est connue, comme on l'a vu naître et mourir, il peut servir d'exemple et faire comprendre assez bien ce que c'est qu'une grande vérité historique.

Le but secret du lieu commun, en se formant, est en effet d'exprimer une vérité. Les idées isolées ne représentent que des faits ou des abstractions pour avoir une vérité, il faut deux facteurs, il faut, c'est le mode de génération le plus ordinaire, un fait et une abstraction. Presque toute vérité, presque tout lieu commun se résout en ces deux éléments.

Concurremment à lieu commun, on pourrait presque toujours employer le mot « vérité », ainsi défini une fois pour toutes un lieu commun non encore dissocié la dissociation étant analogue à ce qu'on appelle analyse, en chimie. L'analyse chimique ne conteste ni l'existence ni les qualités du corps qu'elle dissocie en divers éléments, souvent dissociables à leur tour elle se borne à libérer ces éléments et à les offrir à la synthèse qui, en variant les proportions, en appelant des éléments nouveaux, obtiendra, si cela lui plaît, des corps entièrement différents. Avec les débris d'une vérité, on peut faire une autre vérité « identiquement contraire », travail qui ne serait qu'un jeu, mais encore excellent comme tous les exercices, qui assouplissent l'intelligence et l'acheminent vers l'état de noblesse dédaigneuse où elle doit aspirer.

Il y a cependant des vérités que l'on ne songe ni à analyser ni à nier ; elles sont incontestables, soit qu'elles nous aient été fournies par l'expérience séculaire de l'humanité, soit qu'elles fassent partie des axiomes de la science. Le prédicateur qui s'écriait en chaire devant Louis XIV « Nous mourrons tous, Messieurs proférait une vérité que le froncement des sourcils du roi ne prétendait pas sérieusement contester. Elle est pourtant de celles qui ont eu sans doute le plus de mal à s'établir, elle est de celles qui ne sont pas encore universellement admises. Ce n'est pas du premier coup que les races aryennes joignirent ces deux idées, l'idée de mort et l'idée de nécessité beaucoup de peuplades noires n'y sont pas parvenues. Pour le nègre il n'y a pas de mort naturelle, de mort nécessaire. A chaque décès on consulte le sorcier afin d'apprendre de lui quel est l'auteur de ce crime secret et magique. Nous en sommes encore un peu à cet état d'esprit et toute mort prématurée d'un homme célèbre fait aussitôt courir des bruits d'empoisonnement, de meurtre mystérieux. Tout le monde se souvient des légendes nées à la mort de Gambetta, de Félix Faure ; elles se rejoignent naturellement à celles qui émurent la fin du dix-septième siècle, à celles qui assombrirent, bien plus que des faits sans doute rares, le seizième siècle italien. Stendhal, en ses anecdotes romaines, abuse de cette superstition du poison qui devait encore, de nos jours, faire plus d'une victime judiciaire.

L'homme associe les idées non pas selon la logique, selon l'exactitude vérifiable, mais selon son plaisir et selon son intérêt. C'est ce qui fait que la plupart des vérités ne sont que des préjugés ; celles qui sont le plus incontestables sont aussi celles qu'il s'efforça toujours de sournoisement combattre par la ruse du silence. La même inertie est opposée au travail de dissociation que l'on voit s'opérer lentement sur certaines vérités.

L'état de dissociation des lieux communs de la morale semble en corrélation assez étroite avec le degré de la civilisation intellectuelle. Il s'agit, là encore, d'une sorte de lutte, non des individus, mais des peuples constitués en nation contre des évidences qui, en augmentant l'intensité de la vie individuelle ; diminuent, l'expérience permet de dire par cela même, l'intensité de la vie et de la force collectives. Il n'est pas douteux qu'un homme ne puisse retirer de l'immoralité même, de l'insoumission aux préjugés décalogués, un grand bienfait personnel ; un grand avantage pour son développement intégral, mais une collectivité d'individus trop forts, trop indépendants les uns des autres, ne constitue qu'un peuple médiocre. On voit alors l'instinct social entrer en antagonisme avec l'instinct individuel et des sociétés professer comme société une morale que chacun de ses membres intelligents, suivis par une très grande partie du troupeau, juge vaine, surannée ou tyrannique.
On trouverait une assez curieuse illustration de ces principes en examinant l'état présent de la morale sexuelle. Cette morale, particulière aux peuples chrétiens, est fondée sur l'association très étroite de deux idées, l'idée de plaisir charnel et l'idée de génération. Quiconque, homme ou peuple, n'a pas dissocié ces deux idées, n'a pas rendu la liberté dans son esprit aux éléments de cette vérité; qu'en dehors de l'acte proprement générateur accompli sous la protection des lois religieuses ou civiles (les secondes ne sont que la parodie des premières, dans nos civilisations essentiellement chrétiennes), les relations sexuelles sont des péchés, des fautes, des erreurs, des défaillances quiconque adopte en sa conscience cette règle, sanctionnée par les codes, appartient évidemment à une civilisation encore rudimentaire. La plus haute civilisation étant celle où l'individu est le plus libre, le plus dégagé d'obligations, cette proposition ne serait contestable que si on la prenait pour une provocation au libertinage ou pour une dépréciation de l'ascétisme. Morale ou immorale, cela n'a ici aucune importance, elle devra, si elle est exacte, se lire au premier coup d'œil dans les faits. Rien de plus facile. Un tableau statistique de la natalité européenne montrera aux raisonneurs les plus entêtés qu'il y a un lien très strict, un lien de cause à effet, entre l'intellectualité des peuples et leur fécondité. Il en est de même pour les individus et pour les groupes sociaux. C'est par faiblesse intellectuelle que les ménages ouvriers se laissent déborder par la progéniture. On voit dans les faubourgs des malheureux qui, ayant procréé douze enfants, s'étonnent de l'inclémence de la vie ; ces pauvres gens, qui n'ont même pas l'excuse des croyances religieuses, n'ont pas encore su dissocier l'idée de plaisir charnel et l'idée de génération. Chez eux la première détermine l'autre, et les gestes obéissent à une cérébralité enfantine et presque animale. L'homme arrivé au degré vraiment humain limite à son gré sa fécondité c'est un de ses privilèges, mais un de ceux qu'il n'atteint que pour en mourir.

Heureuse en effet pour l'individu qu'elle délivre, cette dissociation particulière l'est beaucoup moins pour les peuples. Cependant, elle favorisera le développement ultérieur de la civilisation en maintenant sur la-terre les vides nécessaires à l'évolution des hommes.

Ce n'est qu'assez tard que les Grecs arrivèrent à disjoindre l'idée de femme et l'idée de génération mais ils avaient dissocié très anciennement l'idée de génération et l'idée de plaisir charnel, comme le prouve l'institution de la pédérastie. Quand ils cessèrent de considérer la femme comme uniquement génératrice, ce fut le commencement du règne des courtisanes. Les Grecs semblent d'ailleurs avoir toujours eu une morale sexuelle fort vague, ce qui ne les a pas empêchés de faire une certaine figure dans l'histoire.

Le Christianisme ne pouvait sans se nier lui-même encourager la dissociation de l'idée de plaisir charnel d'avec l'idée de génération, mais il provoqua au contraire avec succès, et ce fut une des grandes conquêtes de l'humanité, la dissociation de l'idée d'amour et de l'idée de plaisir charnel. Les Egyptiens étaient si loin de pouvoir comprendre une telle dissociation que l'amour du frère et de la sœur leur eût semblé nul s'il n'eût abouti à une conjonction sexuelle. Dans les basses classes des grandes villes, on est volontiers Egyptien sur ce point. Les différentes sortes d'inceste qui parviennent parfois à notre connaissance témoignent qu'un état d'esprit analogue n'est pas absolument incompatible avec une certaine culture intellectuelle. La forme particulièrement chrétienne de l'amour chaste, dégagé de toute idée de plaisir physique, est l'amour divin, tel qu'on le voit s'épanouir dans l'exaltation mystique des contemplateurs ; c'est vraiment l'amour pur, puisqu'il ne correspond à rien de définissable, c'est l'intelligence s'adorant soi-même dans l'idée infinie qu'elle se fait d'elle-même. Ce qui peut s'y mêler de sensualisme tient à la disposition même du corps humain et à la loi de dépendance des organes on ne doit donc pas en tenir compte dans une étude qui n'est pas physiologique. Ce que l'on a appelé maladroitement l'amour platonique est aussi une création chrétienne. C'est en somme une amitié passionnée, aussi vive et aussi jalouse que l'amour physique, mais dégagée de l'idée de plaisir charnel, comme cette dernière idée s'était dégagée de l'idée de génération. Cet état idéal des affections humaines est la première étape de l'ascétisme, et l'on pourrait définir l'ascétisme l'état d'esprit où toutes les idées sont dissociées.

Avec la décroissance de l'influence chrétienne, la première étape de l'ascétisme est devenue un gîte de moins en moins fréquenté et l'ascétisme, devenu également rare, est souvent atteint par une autre voie. De notre temps l'idée d'amour s'est rejointe très étroitement à l'idée de plaisir physique et les moralistes s'emploient à reformer son association primitive avec l'idée de génération. C'est une régression assez curieuse.

On pourrait essayer une psychologie historique de l'humanité en recherchant à quel degré de dissociation se trouvèrent, dans la suite des siècles, un certain nombre de ces vérités que les gens bien-pensants s'accordent à qualifier de primordiales. Cette méthode devrait même être la base, et cette recherche le but même de l'histoire. Puisque tout dans l'homme se ramène à l'intelligence, tout dans l'histoire doit se ramener à la psychologie. Ce serait l'excuse des faits, de comporter une explication qui ne fut pas diplomatique ou stratégique. Quelle est l'association d'idées, ou la vérité non encore dissociée qui favorisa l'accomplissement de la mission que Jeanne d'Arc crut tenir du ciel ? Il faut, pour répondre, trouver des idées qui aient pu se joindre également dans les cerveaux français et dans les cerveaux anglais, ou une vérité alors incontestablement admise par toute la chrétienté. Jeanne d'Arc était considérée à la fois par ses amis et par ses ennemis comme en possession d'un pouvoir surnaturel. Pour les Anglais, c'est une sorcière très puissante ; l'opinion est unanime et les témoignages abondent. Mais pour ses partisans ? Sans doute une sorcière aussi, ou plutôt une magicienne. La magie n'était pas nécessairement diabolique. Des êtres surnaturels flottaient dans les imaginations qui n'étaient ni des anges, ni des démons, mais des Puissances que pouvait se soumettre l'intelligence de l'homme. Le magicien était le bon sorcier sans cela aurait-on taxé de magie un homme de la science et de la sainteté d'Albert le Grand ? Le soldat qui la suivait et le soldat qui combattait Jeanne d'Arc, sorcière ou magicienne, se faisaient d'elle, très probablement, une idée identique dans son obscurité redoutable. Mais si les Anglais criaient le nom de sorcière, les Français taisaient le nom de magicienne, peut-être pour la même cause qui protégea si longtemps, à travers de si merveilleuses aventures, l'usurpateur Ta-KIang, comme cela est raconté dans l'admirable Dragon impérial de Judith Gautier.

Quelle idée, à tel moment, chaque classe de la société se faisait-elle du soldat ? N'y aurait-il pas dans la réponse à cette question tout un cours d'histoire ? En approchant de notre époque on se demanderait à quel moment se rejoignirent, dans le commun des esprits, l’idée d'honneur et l'idée de militaire ? Est-ce une survivance de la conception aristocratique de l'armée ? L'association s'est-elle formée à la suite des événements d'il y a trente ans, lorsque le peuple prit le parti d'exalter le soldat pour s'encourager soi-même ? Il faut comprendre cette idée d'honneur ; elle en contient plusieurs autres, les idées de bravoure, de désintéressement, de discipline, de sacrifice, d'héroïsme, de probité, de loyauté, de franchise, de bonne humeur, de rondeur, de simplicité, etc. On trouverait finalement en ce mot le résumé des qualités dont la race française se croit l'expression. Déterminer son origine serait donc déterminer, par cela même, l'époque où le Français commença à se croire un abrégé de toutes les vertus fortes. Le militaire est demeuré en France, malgré de récentes objections, le type même de l'homme d'honneur. Les deux idées sont unies très énergiquement ; elles forment une vérité qui n'est guère contestée à l'heure actuelle que par des esprits d'une autorité médiocre ou d'une sincérité douteuse. Sa dissociation est donc très peu avancée, si l'on a égard à la totalité de la nation. Cependant elle fut, au moins pendant une minute, pendant la minute psychologique, entièrement opérée en quelques cerveaux. Il y eut là, au seul point de vue intellectuel, un effort considérable d'abstraction qu'on ne peut s'empêcher d'admirer quand on regarde froidement fonctionner la machine cérébrale. Sans doute le résultat atteint ne fut pas le produit d'un raisonnement normal ; c'est dans un accès de fièvre que la dissociation s'accomplit ; elle fut inconsciente, et elle fut momentanée, mais elle fut, et c'est important pour l'observateur. L'idée d'honneur avec tous ses sous-entendus se sépara de l'idée de militaire, qui est là l'idée de fait, l'idée femelle prête à recevoir tous les qualificatifs, et l'on s'aperçut que, s'il y avait entre elles un certain rapport logique, ce rapport n'était pas nécessaire. C'est là le point décisif. Une vérité est morte lorsqu'on a constaté que les rapports qui lient ses éléments sont des rapports d'habitude et non de nécessité et comme la mort d'une vérité est un grand bienfait pour les hommes, cette dissociation eût été très importante si elle avait été définitive, si elle fut restée stable. Malheureusement, après cet effort vers l'idée pure, les vieilles habitudes mentales retrouvèrent leur empire. L'ancien élément qualificatif fut aussitôt remplacé par un élément à peine nouveau, moins logique que l'ancien et encore moins nécessaire. Il apparut que l'opération avait avorté. L'association d'idées se refaisait, identique à la précédente, quoique l'un des éléments eût été retourné comme un vieux gant à honneur on avait substitué déshonneur, avec toutes les idées adventices de l'ancien élément devenues alors lâcheté, fourberie, indiscipline, fausseté, duplicité, méchanceté, etc. Cette nouvelle association d'idées peut avoir une valeur destructive, elle n'offre aucun intérêt intellectuel.

Il ressort de l'anecdote que les idées qui nous semblent les plus claires, les plus évidentes, les plus palpables pour ainsi dire, n'ont cependant pas assez de force pour s'imposer toutes nues aux esprits communs. Pour s'assimiler l'idée d'armée, un cerveau d'aujourd'hui doit l'entourer d'éléments qui n'ont qu'une corrélation de rencontre ou d'opinion avec l'idée principale. On ne peut pas demander sans doute à un humble politicien de se faire de l'armée l'idée simple que s'en faisait Napoléon une épée. Les idées très simples ne sont à la portée que des esprits très compliqués. Il semble cependant qu'il ne serait pas absurde de ne considérer l'armée que comme la force extériorisée d'une nation et alors de ne demander à cette force que les qualités mêmes qu'on demande à la force. Peut-être est-ce encore trop simple ?

Quel bon moment que le moment d'aujourd'hui pour étudier le mécanisme de l'association et de la dissociation des idées. On parle souvent des idées ; on a écrit sur l'évolution des idées. Aucun mot n'est plus mal défini ni plus vague. Il y a des écrivains naïfs qui dissertent sur l'Idée, tout court ; il y a des sociétés coopératives qui se mettent tout d'un coup en marche vers l'idée ; il y a des gens qui se dévouent à l'Idée, qui pâtissent pour l'Idée, qui rêvent de l'Idée, qui vivent les yeux fixés sur l'Idée. De quoi est-il question dans ces sortes de divagations, c'est ce que je n'ai jamais pu savoir. Ainsi employé seul, le mot est peut-être une réformation du mot Idéal ; peut-être aussi le qualificatif est-il sous-entendu ? Est-ce un débris erratique de la philosophie de Hegel que la marche lente du grand glacier social a déposé au passage en quelques têtes où il roule et sonne comme un caillou ? On ne sait pas. Employé sous une forme relative, le mot n'est pas beaucoup plus clair dans les ordinaires phraséologies on oublie trop le sens primitif du mot et que l'idée n'est qu'une image parvenue à l'état abstrait, à l'état de notion ; mais aussi qu'une notion, pour avoir droit au nom d'idée, doit être pure de toute compromission avec le contingent. Une notion à l'état d'idée est devenue Incontestable ; c'est un chiffre, c'est un signe ; c'est une des lettres de l'alphabet de la pensée. Il n'y a pas des idées vraies et des idées fausses. L'idée est nécessairement vraie ; une idée discutable est une idée amalgamée à des notions concrètes, c'est-à-dire une vérité. Le travail de la dissociation tend précisément à dégager la vérité de toute sa partie fragile pour obtenir l'idée pure, une, et par conséquent Inattaquable. Mais si l'on n'usait jamais des mots que selon leur sens unique et absolu, les liaisons seraient difficiles dans le discours il faut leur laisser un peu de ce vague et de cette flexibilité dont l'usage les a doués et, en particulier, ne pas trop insister sur J'abîme qui sépare l'abstrait du concret. Il y a un état intermédiaire entre la glace et l'eau fluide, c'est quand l'eau commence à se façonner en aiguilles, quand elle craque et cède encore sous la main qui s'y plonge peut-être ne faut-il pas demander même aux mots du manuel philosophique d'abdiquer toute prétention à l'ambiguïté ?

Cette idée d'armée qui excita de graves polémiques, qui ne fut un instant dégagé que pour s'obscurcir à nouveau, est de celles qui touchent au concret et dont on ne peut parler sans de minutieuses références à la réalité ; l'idée de justice au contraire peut se considérer en soi, in abstracto. Dans l'enquête que fit M. Ribot sur les idées générales, presque tous les patients, prononcé devant eux le mot Justice, virent en leur esprit la légendaire dame et ses balances. Il y a dans cette figuration traditionnelle d'une idée abstraite une notion de l'origine même de cette idée. L'idée de justice n'est pas autre chose, en effet, que l'idée d'équilibre. La justice est le point mort de la série des actes, le point idéal où les forces contraires se neutralisent pour produire l'inertie. La vie qui aurait passé par ce point mort de la justice absolue ne pourrait plus vivre, puisque l'idée de vie, identique à l'idée de lutte de forces, est nécessairement l'idée qui s'oppose le mieux à l'idée de justice. Le règne de la justice ne pourrait être que le règne du silence et de la pétrification : les bouches se taisent, organes vains des cerveaux stupéfiés, et les gestes inachevés des membres n'écrivent plus rien, dans l'air froid. Les théologies situèrent la justice au-delà du monde, dans l'éternité. C'est là seulement qu'elle peut être conçue et qu'elle peut, sans danger pour la vie, exercer une fois pour toutes sa tyrannie qui ne connaît qu'une seule sorte d'arrêts, l'arrêt de mort. L'idée de justice rentre donc bien dans la série des idées incontestables et indémontrables on n'en peut rien faire à l'état pur il faut l'associer à quelque élément de fait ou s'abstenir d'un mot qui ne correspond qu'a une inconcevable entité. A vrai dire, l'idée de justice est peut-être dissociée ici pour la première fois. Sous ce nom les hommes allèguent tantôt l'idée de châtiment, qui leur est très familière, tantôt l'idée de non-châtiment, idée neutre, ombre de la première. Il s'agit de châtier le coupable et de ne pas inquiéter l'innocent, ce qui impliquerait immédiatement, pour être perceptible, une définition de la culpabilité et une définition de l'innocence. Cela est difficile, ces mots du lexique moral n'ayant plus qu'une signification fuyante et toute relative. Et pourquoi, pourrait-on demander, faut-il qu'un coupable soit châtié ? Pourquoi faut-il qu'un innocent ne soit pas châtié ? Il semble au contraire que l'innocent, que l'on suppose un homme sain et normal, soit bien plus capable de supporter le châtiment que le coupable, qui est un malade et un débile. Pourquoi ne punirait-on pas, au lieu du voleur, qui a des excuses, l'imbécile qui s'est laissé voler ? C'est ce que ferait la justice si, au lieu d'être une conception théologique, elle était encore, comme elle fut à Sparte, une imitation de la nature. Rien n'existe qu'en vertu du déséquilibre, de l'injustice ; toute existence est un vol prélevé sur d'autres existences ; aucune vie ne fleurit que sur un cimetière. Si elle se voulait l'auxiliaire et non plus la négatrice des lois naturelles, l'humanité prendrait soin de protéger les forts contre la coalition des faibles et de donner comme escabeau le peuple aux aristocrates. Il semble au contraire que ce qu'on entende désormais par la justice ce soit, en même temps que le châtiment des coupables, l'extermination des puissants, et en même temps que le non-châtiment des innocents, l'exaltation des humbles. L'origine de cette idée complexe, bâtarde et hypocrite, doit donc être recherchée dans l'évangile, dans le « malheur aux riches » des démagogues juifs. Ainsi comprise, l'idée de justice apparaît contaminée à la fois par la haine et par l'envie ; elle ne contient plus rien de son sens originaire et l'on ne peut en faire l'analyse sans risquer d'être dupe du sens vulgaire des mots. Cependant on démêlerait, en y prenant garde, que la première cause de la dépréciation de ce terme utile est venue d'une confusion entre l'idée de droit et l'idée de châtiment ; le jour où le mot justice a voulu dire tantôt justice criminelle et tantôt justice civile, le peuple a confondu ces deux notions pratiques et les instituteurs du peuple, Incapables d'un effort sérieux de dissociation, ont aggravé une méprise qui d'ailleurs servait leurs Intérêts. L'Idée réelle de justice apparaît donc finalement comme entièrement inexistante dans le mot même qui figure au vocabulaire de l'humanité ; ce mot se résout à l'analyse en des éléments encore très complexes où l'on distingue l'idée de droit et l'idée de châtiment. Mais il y a tant d'illogisme dans cet accouplement ; singulier qu'on douterait de l'exactitude de l'opération, si les faits sociaux n'en fournissaient la preuve.
Ici on pourrait examiner cette question y a-t-il vraiment pour le peuple ; pour l'homme moyen, des mots abstraits ? C'est peu probable. Il semble même que, selon le degré de culture intellectuelle, le même mot n'atteigne que des états échelonnés d'abstraction. L'idée pure est plus ou moins contaminée par le souci des intérêts personnels, ou de caste ou de groupe, et le mot justice revêt ainsi, par exempte, toutes sortes de significations particulières et limitées sous lesquelles disparaît écrasé son sens suprême.

Dès qu'une idée est dissociée, si on la met ainsi toute nue en circulation, elle s'abrège en son voyage par le monde toutes sortes de végétations parasites. Parfois, l'organisme premier disparaît, entièrement dévoré par les colonies égoïstes qui s'y développent. Un exemple fort amusant de ces déviations d'idées fut donné récemment par la corporation des peintres en bâtiment à la cérémonie dite du « triomphe de la république ». Ces ouvriers promenèrent une bannière où leurs revendications de justice sociale se résumaient en ce cri « A bas le ripolin » Il faut savoir que le ripolin est une peinture toute préparée que le premier venu peut étaler sur une boiserie ; on comprendra alors toute la sincérité de ce vœu et son Ingénuité. Le ripolin représente ici l'injustice et l'oppression ; c'est l'ennemi, c'est le diable. Nous avons tous notre ripolin et nous en colorions à notre usage les idées abstraites qui, sans cela, ne nous seraient d'aucune utilité personnelle.

C'est sous un de ces bariolages que l'idée de liberté nous est présentée par les politiciens. Nous ne percevons plus guère, en entendant ce mot, que l'Idée de liberté politique, et il semble que toutes les libertés dont puisse jouir un homme civilisé soient contenues dans cette expression ambiguë. Il en est d'ailleurs de l'idée pure de liberté comme de l'idée pure de justice ; elle ne peut nous servir à rien dans l'ordinaire de la vie. L'homme n'est pas libre, ni la nature, pas plus que ne sont justes ni l'homme ni la nature. Le raisonnement n'a aucune prise sur de telles idées ; les exprimer, c'est les affirmer, mais elles fausseraient nécessairement toutes les thèses où on voudrait les faire entrer. Réduite à son sens social l'idée de liberté est encore mal dissociée ; il n'y a pas d'idée générale de liberté, et il est difficile qu'il s'en forme une, puisque la liberté d'un individu ne s'exerce qu'aux dépens de la liberté d'autrui. Jadis, la liberté s'appelait le privilège ; à tout prendre, c'est peut-être son véritable nom ; encore aujourd'hui, une de nos libertés relatives, la liberté de la presse, est un ensemble de privilèges ; privilèges aussi la liberté de la parole concédée aux avocats ; privilèges, la liberté syndicale, et demain, la liberté d'association telle qu'on nous la propose. L'idée de liberté n'est peut-être qu'une déformation emphatique de l'Idée de privilège. Les Latins, qui firent un grand usage du mot liberté, l'entendaient tel que le privilège du citoyen romain.

On voit qu'il y a souvent un écart énorme entre le sens vulgaire d'un mot et la signification réelle qu'il a au fond des obscures consciences verbales, soit parce que plusieurs idées associées sont exprimées par un seul mot, soit parce que l'idée primitive a disparu sous l'envahissement d'une idée secondaire. On peut donc écrire, surtout s'il s'agit de généralités, des suites de phrases ayant à la fois un sens ouvert et un sens secret. Les mots, qui sont des signes, sont presque toujours aussi des chiffres ; le langage conventionnel inconscient est fort usité, et il y a même des matières où c'est le seul en usage. Mais chiffre implique déchiffrement. Il est malaisé de comprendre l'écriture la plus sincère et l'auteur même de l'écriture y échoue souvent, parce que le sens des mots varie non seulement d'un homme à un autre homme, mais, des moments d'un homme aux autres moments du même homme. Le langage est ainsi une grande cause de duperie. Il évolue dans l'abstraction et la vie évolue dans la réalité la plus concrète ; entre la parole et les choses que la parole désigne, il y a la distance d'un paysage à la description d'un paysage. Et il faut songer encore que les paysages que nous dépeignons ne nous sont connus, la plupart du temps, que par des discours, reflets d'antérieurs discours. Cependant nous nous comprenons. C'est un miracle que je n'ai point l'intention d'analyser maintenant. Il sera plus à propos, pour achever cette esquisse, qui n'est qu'une méthode, d'essayer l'examen des idées toutes modernes d'art et de beauté.

J'ignore leurs origines, mais elles sont postérieures aux langues classiques qui n'ont pas de mots fixes et précis pour les dire, bien que les anciens fussent à même, mieux que nous, de jouir de la réalité qu'elles contiennent. Elles sont enchevêtrées ; l'idée d'art est sous la dépendance de l'idée de beauté ; mais cette dernière idée elle-même n'est autre chose que l'idée d'harmonie et l'idée d'harmonie se réduit à l'idée de logique. Le beau, c'est ce qui est à sa place. De là les sentiments de plaisir que nous donne la beauté. Ou plutôt, la beauté est une logique qui est perçue comme plaisir. Si l'on admet cela, on comprendra aussitôt pourquoi l'idée de beauté, dans les sociétés féministes, s'est presque toujours restreinte à l'idée de beauté féminine. La beauté, c'est une femme. Il y a là un intéressant sujet d'analyse, mais la question est assez compliquée. Il faudrait démontrer d'abord que la femme n'est pas plus belle que l'homme ; que, située dans la nature sur le même plan, construite sur le même modèle, faite de la même chair, elle apparaîtrait, à une intelligence sensible extérieure à l'humanité, exactement la femelle de l'homme, exactement ce que, pour les hommes, une pouliche est à un poulain. Et même, en y regardant de plus près, le Martien qui voudrait s'instruire sur l'esthétique des formes terrestres observerait que, s'il existe une différence de beauté entre un homme et une femme de même race, de même caste et de même âge, cette différence est presque toujours en faveur de l'homme; et que si d'ailleurs ni l'homme ni la femme ne sont entièrement beaux, les défauts de la race humaine sont plus accentués chez la femme, où la double saillie du ventre et des fesses, attrait-sexuel sans doute, gauchit disgracieusement la double ligne du profil, la courbe des seins est presque toujours infléchie sous l'influence du dos qui a une tendance à se voûter. Les nudités de Cranach avouent naïvement ces éternelles imperfections de la femme. Un autre défaut auquel les artistes remédient instinctivement quand ils ont du goût, c'est la brièveté des jambes, si accentuée dans les photographies de femmes nues. Cette froide anatomie des beautés féminines a souvent été faite ; il est donc inutile d'insister, d'autant plus que la vérification en est malheureusement trop facile. Mais si la beauté de la femme résiste si mal à la critique, comment se fait-Il qu'elle demeure malgré tout incontestable, qu'elle soit devenue pour nous la base même et le ferment de l'idée de beauté ? C'est une illusion sexuelle. L'idée de beauté n'est pas une idée pure ; elle est intimement unie à l'idée de plaisir charnel. Stendhal a obscurément perçu ce raisonnement quand il a défini la beauté « une promesse de bonheur ». La beauté est une femme, et pour les femmes elles-mêmes, qui ont poussé la docilité envers l'homme jusqu'à adopter cet aphorisme, qu'elles ne peuvent comprendre que dans l'extrême perversion sensuelle. On sait cependant que les femmes ont un type particulier de beauté ; les hommes l'ont naturellement flétri du nom de « bellâtre ». Si les femmes étaient sincères, elles auraient également depuis longtemps infligé un nom péjoratif au type de beauté féminine par lequel l'homme se laisse le plus volontiers séduire.

Cette identification de la femme et de la beauté va si loin aujourd'hui, qu'on en est arrivé innocemment à nous proposer « l'apothéose de la femme » cela veut dire la glorification de la beauté avec toutes les promesses stendhaliennes contenues dans ce mot devenu érotique. La beauté est une femme et la femme est la beauté ; les caricaturistes accentuent le sentiment général en accouplant toujours à une femme, qu'ils tâchent de faire belle, un homme dont ils poussent la laideur jusqu'à la vulgarité la plus basse, alors que les jolies femmes sont si rares dans la vie, alors qu'au-delà de trente ans la femme est presque toujours Inférieure en beauté plastique, âge pour âge, à son mari ou à son amant. Il est vrai que cette infériorité n'est pas plus facile à démontrer qu'à sentir, et que le raisonnement demeure inefficace, la page achevée, pour celui qui a lu comme pour celui qui a écrit ; et cela est fort heureux.

L'idée de beauté n'a jamais été dissociée que par les esthéticiens ; le commun des hommes s'en donne la définition de Stendhal. Autant dire que cette idée n'existe pas et qu'elle a été absolument dévorée par l'idée de bonheur, et du bonheur sexuel, du bonheur donné par une femme. C'est pour cela que le culte de la beauté est suspect aux moralistes qui ont analysé la valeur de certains mots abstraits. Ils traduisent cela par culte de la luxure, et ils auraient raison si ce dernier terme ne contenait une injure assez sotte pour une des tendances les plus naturelles à l'homme. Il est arrivé nécessairement qu'en s'opposant aux excessives apothéoses de la femme ils ont touché aux droits de l'art. L'art étant l'expression de la beauté et la beauté ne pouvant être comprise que sous les espèces matérielles de la véritable idée qu'elle contient, l'art est devenu presque uniquement féministe. La beauté, c'est la femme et aussi l'art, c'est la femme. Mais ceci est moins absolu. La notion de l'art est même assez nette, pour les artistes et pour l'élite l'idée d'art est fort bien dégagée. Il y a un art pur qui se soucie uniquement de se réaliser soi-même. Aucune définition n'en doit même être donnée cela ne pourrait se faire qu'en unissant l'idée d'art à des idées qui lui sont étrangères et qui tendraient à l'obscurcir et à la salir.

Antérieurement à cette dissociation qui est récente et dont on connaît l'origine, l'idée d'art était liée à diverses idées qui lui sont normalement étrangères, l'idée de moralité, l'idée d'utilité, l'idée d'enseignement. L'art était l'image édifiante qu'on intercale dans les catéchismes de religion ou de philosophie ; ce fut la conception des deux derniers siècles. Nous nous étions affranchis de ce collier ; on voudrait nous le remettre au cou. L'idée d'art s'est de nouveau souillée à l'idée d'utilité ; l'art est appelé social par les prêcheurs modernes. Il est aussi appelé démocratique, épithètes bien choisies, si ce fut en vertu de leur signification négatrice de la fonction principale. Admettre l'art parce qu'il peut moraliser les individus ou les masses, c'est admettre les roses parce qu'on en tire un remède utile aux yeux ; c'est confondre deux séries de notions que l'exercice régulier de l'intelligence place sur des plans différents. Les arts plastiques ont un langage mais il n'est pas traduisible en mots et en phrases. L'œuvre d'art tient des discours qui s'adressent au sens esthétique et à lui seul ce qu'elle peut dire par surcroît de perceptible pour nos autres facultés ne vaut pas la peine d'être écouté. Cependant, c'est cette partie caduque qui intéresse les preneurs de l'art social. Ils sont le nombre et comme nous sommes régis par la loi du nombre, leur triomphe semble assuré. L'idée d'art n'aura peut-être été dissociée que pendant un petit nombre d'années et pour un petit- nombre d'intelligences.
Il y a donc un très grand nombre d'idées que les hommes n'emploient jamais à l'état pur, soit qu'elles n'aient pas encore été' dissociées, soit que cette dissociation n'ait pu se maintenir en état de stabilité il y a aussi un très grand nombre d'idées qui existent à l'état dissocié, ou que l'on peut provisoirement considérer comme telles, mais qui ont une affinité particulière pour d'autres idées avec lesquelles on les rencontre le plus souvent il y en a' d'autres encore qui semblent réfractaires à certaines associations, alors que les faits auxquels elles correspondent dans la réalité sont extrêmement fréquents. Voici quelques exemples de ces affinités et de ces répulsions pris dans le domaine si intéressant des lieux communs ou des vérités.

Les étendards furent d'abord des signes religieux, comme l'oriflamme de Saint-Denis, et leur utilité symbolique est demeurée au moins aussi grande que leur utilité réelle. Mais comment, hors de la guerre, sont-ils devenus des symboles de l'Idée de patrie ? C'est plus facile à expliquer par les faits que par la logique abstraite. Aujourd'hui, dans presque tous les pays civilisés, l'idée de patrie et l'idée de drapeau sont invinciblement associées ; les deux mots se disent même l'un pour l'autre. Mais ceci touche à la symbolique autant qu'à l'association des idées. En insistant on arriverait au langage des couleurs, contrepartie du langage des fleurs, mais plus instable encore et plus arbitraire. S'il est amusant que le bleu du drapeau français soit la dévote couleur de la sainte Vierge et des enfants de Marie, il ne l'est pas moins que la pieuse pourpre de la robe de Saint-Denis soit devenue un symbole révolutionnaire. Semblables aux atomes d'Epicure, les idées s'accrochent comme elles peuvent, au hasard des rencontres, des chocs et des accidents.

Certaines associations, quoique très récentes, ont pris rapidement une autorité singulière ; ainsi celles d'instruction et d'intelligence, d'instruction et de moralité. Or, c'est tout au plus si l'instruction peut témoigner pour une des formes particulières de la mémoire ou pour une connaissance littérale des lieux communs du Décalogue. L'absurdité de ces rapports forcés apparaît très clairement en ce qui concerne les femmes il semble bien qu'il y ait une sorte d'instruction, celle qu'on leur donne à cette heure, qui, loin d'activer leur intelligence, l'engourdit. Depuis qu'on les instruit sérieusement, elles n'ont plus aucune influence ni dans la politique ni dans les lettres que l'on compare à ce propos nos trente dernières années avec les trente dernières années de l'ancien régime. Ces deux associations d'idées n'en sont pas moins devenues de véritables lieux communs, de ces vérités qu'il est aussi inutile d'exposer que de combattre. Elles se rejoignent à toutes celles qui peuplent les livres et les lobes dégénérés des hommes ; aux vieilles et vénérables vérités telles que vertu-récompense, vice-châtiment, Dieu-bonté, crime-remords, devoir-bonheur, autorité-respect, malheur-punition, avenir-progrès, et des milliers d'autres dont quelques-unes, quoique absurdes, sont utiles à l'humanité.
On ferait également un long catalogue des idées que les hommes se refusent à associer, alors qu'ils se complaisent aux plus déconcertants stupres. Nous avons donné plus haut l'explication de cette attitude rétive c'est que leur occupation principale est la recherche du bonheur, et qu'ils ont bien plus souci de raisonner selon leur intérêt que selon la logique. De là l'universelle répulsion à joindre l'idée de néant à l'idée de mort. Quoique la première idée soit évidemment contenue dans la seconde, l'humanité s'obstine à les considérer séparément elle s'oppose de toutes ses forces à leur union, elle enfonce entre elles infatigablement un coin chimérique où retentissent les coups de marteau de l'espérance. C'est le plus bel exemple d'illogisme que nous puissions nous donner à nous-mêmes et la meilleure preuve que, dans les choses graves comme dans les moindres, c'est le sentiment qui vient toujours à bout de la raison.
Est-ce une grande acquisition que de savoir cela ? Peut-être.
Rémy de Gourmont.



(1) Les « Travailleurs de la Mer » IIème partie / Livre Ier / Ch. II.
(2) Terme technique.
(3) Le Temps, 31 octobre 1899
(4) Romania, tome I, page 1.

mercredi 29 avril 2020

La Femme... un Cardinal disait...


Citation
" Le Saint-Esprit rend, dans l'Ancien Testament, un hommage magnifique et Lieu mérité à la femme et au rôle de la femme dans la société. Mais ce rôle, il le fait consister dans les travaux domestiques plutôt que dans une participation active aux luttes de ce monde. Qu'est-ce que le Saint-Esprit approuve chez la femme ? L'admire-t-il à cause île ses triomphes mondains, parce qu'elle s'entend à conduire la société ? Parce qu'elle demande pour son sexe de prétendus privilèges ? parce qu'elle va de place en place, prêcher du haut de la tribune publique, ce qu'elle appelle les droits de la femme ?
Pas du tout. Le Saint-Esprit donne tout entière sa préférence à la femme aimante, à la mère affectionnée, à la ménagère consciencieuse et fidèle, qui répand dans sa maison le parfum de la vertu et ne mange pas ses viandes dans l'oisiveté ; à la femme qui s'occupe des menus détails de la vie, et les exécute avec un soin irréprochable."
S. E. le Cardinal Gibbons. / La France Illustrée / 21 mai 1910 / nr. 1851

La Couronne


LA COURONNE

Tout homme en ce bas monde ainsi que toi soupire.
Va, cesse de former d'inutiles projets !
Dieu pourrait te donner la fortune et l'empire :
Le bonheur ici-bas, tu ne l'auras jamais.

Du désir qui dévore au regret qui déchire
Sache qu'il n'est qu'un pas : c'est celui que tu fais.
Ce bonheur où ton âme incessamment aspire
N'est qu'un rapide songe entre deux jours mauvais.

Ta part est dans ton coeur, c'est là qu'il faut la prendre ;
Ensuite dans la Croix et c'est là qu'il faut tendre :
Tes autres vieux seront moins remplis qu'expiés.

Tu te crois sans nul bien : quand viendra la tempête,
Tu compteras les Heurs que Dieu mit sur ta tète
En les voyant tomber feuille à feuille à tes pieds.

Louis Veuillot / La France Illustrée / 21 mai 1910 / nr. 1851

lundi 13 janvier 2020

Nous sommes des Impérialiste

Keynes - Nous, qui sommes impérialistes… pensons que la domination britannique entraîne une augmentation de la justice, de la liberté et de la prospérité ; et nous administrons notre Empire sans but d’accroissement de notre richesse … Les objectifs de l’Allemagne ne sont pas les mêmes. … Elle cherche plutôt des gains matériels définitifs. … Nous nous méfions de sa diplomatie, nous nous méfions de son honnêteté internationale, nous en voulons à son attitude calomnieuse envers nous. Elle envie nos possessions ; elle n’aurait aucun scrupule s’il était possible de nous en priver. Elle nous considère comme son antagoniste naturel. Elle craint la prépondérance de la race anglo-saxonne.
- John Maynard Keynes - The Collected Writings of John Maynard Keynes, vol. 3, p. 109

Coming Soon: Season II: The Impeachment


Et pendant que, de toutes parts, les yeux sont fixés sur la région du golfe persique et que les doigts restent sur les gâchettes, de l’autre côté de l’Atlantique, plus exactement à DC La Folle, également connue sous le nom de Washington, la Sion des temps modernes où est cultivée la croyance en la Manifest Destiny, cette mission mystique et de droit divin, qui de l’irréversible colonisation du continent nord-américain a été étendue au monde entier, nos amis Américains nous préparent la Saison II du feuilleton « Impeach the President ».

Dans le nouvel épisode, Madame Pelosi semble décidée à déposer l’acte d’accusation au Sénat. Le numéro de cirque peut continuer…

Rappelons-nous que dans le dernier épisode, juste avant noël, elle avait refusée de passer l’acte d’accusation au Sénat, pour cause de non-assurance de condamnation… bien que je sois certaine que, cette décision lui a été imposée par le gratin du parti démocrate, je dirais, elle fait vraiment mauvaise mine dans l’Affaire.

Le « suspense » continu et la saison de spectacles qui devrait bientôt débutée promet de larges rebondissements.  Quelle tournure prendrons les évènements, une fois que le Sénat prendra l’affaire en main, nous ne le savons.

Une chose est pourtant certaine ; le parti démocrate, enfermé dans une vision fantasmagorique de la réalité, risque fort d’imploser sous les suites de cette campagne de destruction massive, qui par ailleurs a commencée bien avant l’élection de Donald Trump à la présidence.

Le blocage du dossier, la recherche forcenée de « nouvelles preuves » pour mieux accuser Donald Trump, se terminera par un désastre. Sous l’impulsion du clan Clinton et du Deep State, qui en fait n’est rien d’autres que le monstre militaro-industriel, né à la fin de la seconde guerre mondiale et que déjà, en 1961, Dwight D. Eisenhower avait dénoncé comme danger, le parti à accéléré sa course vers l’avant.

Dame Pelosi peut faire ce qu’elle veut, les démocrates sont bel et bien pris au piège, pour préciser, à leur propre piège, et non ils ne sont pas près d’en sortir. Le désir de faire paraitre, devant le Sénat, des témoins choisis par les seuls démocrates ne sera probablement pas accepté.

Le Russiagate et ses embrouilles, loin d’être terminé semble également revenir à l’ordre du jour, et il se pourrait bien que des personnalités hauts placés du parti démocrate, se retrouvent bientôt devant les commissions d’enquêtes… la FISA n’oublie pas, et le moment venu les représentants et les sénateurs républicains s’en donneront à cœur joie.

N’essayons surtout pas de vouloir faire comprendre aux hommes et aux femmes actifs dans le monde politique de Washington, que vivant dans un simulacre de la réalité, ils sont totalement ignorant de ce que désir le peuple.

Et, une autre chose très importante… Ceux que la princesse démocrate, oui je parle de madame H. Clinton a, après sa défaite électorale, nommés « Les Déplorables » n’oublieront pas eux.  Et la prochaine gifle pourrait être phénoménale.


Pelosi: «Genug Beweise» für Impeachment von Trump
Die Anhörungen ergaben genug Material, um den US-Präsidenten seines Amtes zu entheben, sagt die Vorsitzende des Repräsentantenhauses.
BaZ / Sonntag 12. Januar 2020 22:08
https://www.bazonline.ch/ausland/amerika/pelosi-genug-beweise-fuer-amtsenthebung-von-trump/story/25761807

C’est au tour d’Obama d’être touché par le Russiagate
Par Eric Zuesse –
Le 29 décembre 2019 – Source Strategic Culture
https://lesakerfrancophone.fr/cest-au-tour-dobama-detre-touche-par-le-russiagate

Russiagate Investigation Now Endangers Obama
Eric Zuesse
December 29, 2019
https://www.strategic-culture.org/news/2019/12/29/russiagate-investigation-now-endangers-obama/

Impeachment: Does Anyone Even Care?
Daniel Lazare
January 13, 2020
https://www.strategic-culture.org/news/2020/01/13/impeachment-does-anyone-even-care/

vendredi 26 avril 2019

Petit mot sur la "République"

Avec quelle facilité, nous nous payons de mots ! République, Monarchie ne sont malheureusement que des mots, et de vieux mots, désignant d’assez vieilles choses. Le mot suffit. On nous prouverait, par les meilleurs arguments, qu’il y a des Monarchies qui sont des Républiques, et des Républiques qui sont des Monarchies ; on perdrait son temps. Demain, la République bâillonnerait toutes les libertés ; après-demain, la Monarchie les rendrait toutes ; on n’en serait pas moins convaincu qu’on était libre en République et qu’on est esclave en Monarchie. L’étiquette du sac passe avant la monture.
Gabriel Prévost / La République des Imbéciles / 1887 

samedi 9 mars 2019

Lettre aux Européens

Renaud Camus, Karim Ouchikh : 

Lettre aux Européens

05/03/2019 05:33

Les élections européennes du mois de mai prochain se présentent très différemment de toutes celles qui les ont précédées.

Un espoir de libération
Elles sont en effet les premières à offrir aux différents peuples européens un espoir véritable de libération. Depuis des décennies ils sont livrés pour la plupart à la submersion migratoire organisée et à la gestion cynique, déshumanisée, déshumanisante surtout, des grands argentiers, des financiers, des multinationales et plus récemment des « gafa » devenus « gafam » — bref de toutes les puissances que se réunissent annuellement à Davos pour y gérer la planète comme un parc humain, une internationale des technocrates, une Métropolis blême, une entreprise vouée au seul profit des actionnaires. Pour la première fois on voit s’alarmer ce pouvoir sans nom et sans visage, disons la davocratie, la gouvernance managériale du monde par Davos, par la technique et par la finance, par la finance comme pure technique, manipulation abstraite des chiffres, des mots et des hommes. La davocratie se fait du souci pour son plus beau fief, le plus docile, le plus passif, le plus amorphe, le plus complaisant à ses vœux : l’Europe de Bruxelles. Et même elle s’inquiète pour cette France où elle a pourtant réussi à placer l’un de ses hommes les plus sûrs et les plus représentatifs, un des plus purs produits de ses sérails, Emmanuel Macron.

La brèche ouverte en Europe centrale…
C’est qu’une brèche formidable a été ouverte dans la paisible possession d’un continent par les affaires et les « affaires ». Déjà, dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, du Centre et du Sud, en Pologne, en Slovaquie, en République tchèque, en Hongrie — les quatre États du pacte de Visegrad —, mais aussi en Autriche et en Italie, déjà sont au pouvoir des forces qui résistent au changement de peuple et de civilisation, à l’ethnocide culturel des Européens, aux industries de l’homme remplaçable, au remplacisme global, l’idéologie ou plutôt le mode de gestion davocratique qui broie indifféremment l’univers et l’humanité, les déshumanise, les prolétarise et remplace tout par autre chose, souvent sous prétexte de low-cost : mais c’est l’être qui est low-cost, pour les gestionnaires davocrates, tandis qu’ils travaillent incessamment, dans leur souci de normalisation industrielle et commerciale, à effacer ou à réduire toutes les différences, entre les origines, entre les appartenances, entre les sexes même, et à détruire une à une toutes les protections, autour de l’individu. Par eux toutes les frontières sont gommées, les peuples sont remplacés par d’autres peuples, les hommes par d’autres hommes, par des machines ou par des chiffres. À l’humanité est substituée une post-humanité hagarde, déculturée, désoriginée, hyperviolente et infantilisée. La ville et la campagne sont grignotées ensemble par le village planétaire, le village planétaire cède à la banlieue universelle, sous la banlieue universelle perce partout le bidonville global, dont la jungle de Calais fut l’illustration parfaite mais qu’on voit se répandre aussi bien à Paris et dans la plupart des métropoles.

… Et même aussi en France
Cependant, à cet univers de cauchemar, les forces d’opposition existent et se manifestent, et pas seulement en Europe de l’Est et du Centre : on les sent bouillonner aussi à l’Ouest et au Nord, bien que l’emprise de la davocratie remplaciste y soit beaucoup plus forte, que les divers remplacements qu’elle impose y soient beaucoup plus avancés, et que les opposants, les résistants, les dissidents n’y aient eu, jusqu’à présent, nul accès au pouvoir. En France les Gilets jaunes, qu’ils soient de droite ou de gauche, voire d’extrême droite ou d’extrême gauche, sont un exemple de cette subversion qui menace in extremis, de la part d’une humanité condamnée au règne des robots ou à celui des zombies, les robots imposant les zombies, les revenants, les morts-vivants. Sourd, confus, souvent contradictoire, un grondement de refus se fait entendre d’un bout à l’autre du continent, une prise de conscience paraît s’opérer lentement, beaucoup trop lentement, face aux deux totalitarismes rivaux mais provisoirement alliés dont l’emprise s’exerce toujours plus étroitement sur la majorité des nations européennes : d’un côté la davocratie remplaciste, qui veut le Grand Remplacement, et de l’autre l’islam ou plutôt l’islamisme, car il n’est d’islam qu’islamiste, et il est la plus puissante incarnation du remplacisme, la plus présente et la plus pressante hypostase du remplacement.

Un combat inégal, la réalité faussée par la propagande
Bien sûr, contre ces puissances colossales, le combat est terriblement inégal, et le terrain électoral, très sévèrement contrôlé par les industries de l’homme remplaçable, est bien loin d’être le meilleur concevable. On se moque volontiers des élections en Afrique, si souvent déterminées par la fraude et le bourrage des urnes. Mais les nôtres, si elles paraissent à première vue plus démocratiques, ou à tout le moins plus régulières, n’en sont pas moins prédéterminées pour autant, ni moins faussées. Au bourrage des urnes elles opposent le bourrage des crânes, plus subtil, peut-être, plus long à mettre en œuvre, mais non moins efficace. Tous les matins la Presse, si bien nommée, décide de ce qui va être la réalité du jour ; de ce qui va constituer, ou pas, l’actualité ; de ceux qui en seront, ou non, les protagonistes. Le réel est la pure création des médias, par action et plus encore par omission : c’est pourquoi il a paru plus juste d’appeler faussel ce réel faux, ce faux réel de confection médiatique, psychologique, manipulationniste, propagandiste. Ces journalistes, dont il importe peu qu’ils soient de droite ou de gauche pourvu qu’ils soient remplacistes, c’est-à-dire favorables à l’immigration de masse, appartiennent presque tous à des rédactions qui elles-mêmes sont directement la possession de davocrates notoires ; ou bien qui relèvent des États, que la davocratie contrôle dans la plupart des pays européens, mais nulle part si directement qu’en France, où l’État c’est Emmanuel Macron. Et la seule chose qu’exige la davocratie, tout ce qui lui importe vraiment, son cœur de métier, c’est la poursuite ou l’accélération de l’immigration de masse : le Grand Remplacement, le changement de peuple et de civilisation, l’afflux constant de nouveaux consommateurs, la fabrication industrielle de l’homme remplaçable et bientôt remplacé, à la fois producteur, consommateur et produit (jetable).

Les médias sélectionnent voire créent l’information
Les médias peuvent compter sur un public prédisposé à les entendre, et surtout à n’entendre rien d’autre qu’eux, car l’école et l’ensemble des systèmes scolaires n’enseignent plus guère aux Européens, depuis la dernière guerre, ses horreurs, ses malheurs et ses crimes, que la sortie de l’histoire, c’est-à-dire, pour les peuples et pour les cultures, la disposition passive à tout accepter, y compris leur propre disparition.

La résistance des Européens face à la destruction en cours
Or, malgré ces formidables barrages, certains en Europe sont parvenus à faire affleurer à la surface de la vérité leur grand refus et leur résistance à la Destruction des Européens d’Europe. Ceux-là sont si nombreux, même, et déjà si forts, que pour la première fois — c’est ce qui rend ces élections uniques —, un grand renversement du grand remplacement ne paraît plus du tout invraisemblable. Un grand retournement de l’invasion migratoire, la remigration, apparaît à l’horizon comme une espérance concevable, et à vrai dire la seule, la seule ligne claire ; et c’est pourquoi nous avons donné ce nom, la Ligne claire, à notre liste, pour la distinguer des messages confus de ceux qui n’osent pas nommer l’évidence, qui tergiversent et palinodient indéfiniment sur le seuil du grand refus, ou qui s’accommoderaient au fond du statu quo atroce, à la timide condition qu’il ne s’aggrave pas, comme s’il n’était pas dans sa nature mécanique de s’aggraver sans cesse. Ceux-là proposent par exemple, et encore n’est-ce pas toujours bien net, de mettre un terme à l’immigration, d’en interrompre le cours. Mais interrompre une invasion n’a pas de sens, une fois qu’elle a déjà eu lieu. La seule ligne claire est la remigration.

Une seule solution : la REMIGRATION
Pour que la remigration devienne réalité, il suffirait que les peuples envahis la désirent, et qu’ils expriment ce vœu par leurs suffrages : ils ont encore la force de l’imposer, et même de la mener avec humanité. Il faudrait cependant, avant cela, et c’est un préalable plus difficile à traduire dans les faits, sans doute, que les hommes et les femmes, les mouvements et les partis, qui proposent cette solution de salut, cette dérobade de dernier moment devant la catastrophe ultime, aient le loisir de s’adresser à eux, pour les exhorter au refus, comme nous le faisons ici.

Hélas, pour faire obstacle à ce projet, réveiller les consciences, il n’y a pas seulement la Presse, il y a aussi ces deux autres exécuteurs et piliers du pouvoir remplaciste, les banquiers et les juges. Si les journalistes décident tous les jours, on l’a rappelé, de ce qui bénéficiera ou non du statut de réel, les banquiers, eux, décident en conséquence de subventionner ou pas les hommes, les femmes, les mouvements ou les idées qui ont réussi l’examen ; tandis que les juges décident de condamner, ou non (mais rarement non) ceux qui y ont échoué. On conçoit qu’il soit très difficile, pour quelque voix que ce soit, de franchir tous ces filtres, de résister à tous ces leurres et de déjouer toutes ces censures, d’autant que les organisateurs de la substitution ethnique sont très décidés à se montrer impitoyables envers toute manifestation de « haine », comme ils disent, car c’est le nom qu’ils ont choisi de donner à tout essai d’obstruction à leurs menées. Les haineux parlent toujours de la haine de l’autre, c’est à cela qu’on les reconnaît. Et il faut bien se souvenir que s’appelle « haine », désormais, dans le sabir de la davocratie remplaciste et pour sa clique de manipulation permanente des esprits, toute résistance au génocide par substitution, toute opposition au Grand Remplacement, toute objection à l’immigration de masse. Rien de tout cela, inutile de le dire, rien dans ce refus de l’intolérable, n’a quoi que ce soit à voir avec de la haine. Mais le premier remplacement est le remplacement des mots. Et ceux qui y procèdent n’ont plus la moindre idée, de toute façon, de ce que peut-être l’amour de son pays et la volonté de sauver sa civilisation. En de pareilles conditions, il n’est pas facile de se faire entendre. Mais tout doit être tenté. Il suffirait d’un écho, qui par hasard irait tomber au bon endroit. Et ce n’est pas le moment de baisser les bras.

Sortir l’Afrique de l’Europe
Nous le répétons depuis longtemps : l’Europe, il ne faut pas en sortir, il faut en sortir l’Afrique, qui n’a rien à y faire — pas plus que l’Europe n’avait à faire en Afrique, certes, et n’a à y faire de nos jours, sinon pour y aider les populations, éventuellement, sur leur demande, y compris contre leurs tyrans et contre les voleurs qui les exploitent, qu’ils soient européens, africains ou d’autre origine ; et pour se livrer avec elles, si elles le souhaitent, à un commerce équitable et à d’autre échanges profitables pour toutes les parties, à commencer par des échanges culturels, intellectuels, artistiques, scientifiques. Quant à ceux qui tirent argument des horreurs réelles ou supposées de l’ancienne colonisation Nord-Sud pour légitimer la présente colonisation Sud-Nord, ils sont singulièrement inconséquents. Si la première fut aussi horrible qu’ils veulent bien le dire, pourquoi imposer la seconde, qui ne le sera pas moins, et qui risque même de l’être bien davantage puisque ses défauts ou ses crimes ne seront pas compensés en tout ou en partie, comme dans l’autre sens, par les avantages médicaux, techniques ou administratifs qu’apporte avec elle une société plus avancée en ces matières-là ? Ou bien veulent-ils signifier que la colonisation actuelle, après tous les maux engendrés par l’autre, est une légitime vengeance, donc une agression qu’ils assument comme telle ? Auquel cas il est pleinement légitime et même indispensable, vital, urgent, d’y résister.

La vérité est qu’il convient à présent de sortir à tout prix de l’ère coloniale de l’histoire de l’humanité, avec ses deux phases inversées : d’abord un long prélude, entre le XVIe siècle et le dernier quart du XXe siècle, la colonisation Nord-Sud, militaire, administrative, politique, tâtonnante, maladroite, souvent brutale, parfois criminelle, qui s’est terminée vers 1960, disons entre 1947 et 1975 — entre l’indépendance de l’Inde et celle des colonies portugaises —, sur un constat d’échec et un reflux ; puis la colonisation Sud-Nord, l’actuelle, moins explicite, moins structurée, plus désordonnée et surtout infiniment plus massive. L’Europe est aujourd’hui cent fois plus colonisée par l’Afrique qu’elle ne l’a jamais colonisée elle-même, et de façon autrement plus grave et plus profonde, car cette colonisation est démographique. Elle menace donc d’être irréversible, si n’intervient pas très vite la révolte anticoloniale, ou décoloniale, comme on dit de nos jours : celle des peuples indigènes de l’Europe et des individus qui, avec le temps, et par amour pour leur civilisation et pour leur mode de vie, se sont assimilés à eux.

Les deux colonisations contraires, Nord-Sud et Sud-Nord, ont beaucoup de points communs, ne serait-ce, hélas, que la destruction systématique de toutes les structures traditionnelles des sociétés colonisées, la famille, les systèmes de transmission, l’héritage culturel, le territoire lui-même et sa dimension historique et sensible, le paysage. Mais la colonisation actuelle, la colonisation démographique, présente la particularité, comme jadis l’esclavage, d’être triangulaire, d’impliquer trois protagonistes et non pas deux : ceux qui l’organisent, même s’ils peuvent compter sur l’enthousiasme conquérant de leurs exécutants, et notamment de l’islamisme, ne sont pas ceux qui l’accomplissent. Cette colonisation d’un genre nouveau, appuyée et voulue par la toute-puissance économique et financière du remplacisme global, témoigne une capacité de destruction beaucoup plus ravageuse que l’autre, et bien plus proche d’être définitive.

Il ne faut pas quitter l’Europe, il faut s’en emparer
L’Europe envahie et colonisée, il ne faut pas la quitter, il faut s’en emparer pour la libérer et pour en chasser les traîtres qui l’ont livrée. C’est ce qui pour la première fois semble possible, grâce au réveil des peuples trop longtemps hébétés par la mauvaise conscience suicidaire et saoulés par un menteur amour de l’autre qui n’est en fait que haine de soi et désir d’en finir dans la fusion générale, fatale à toute altérité. Quant un groupe de personnes ou de nations est soumis à des attaques convergentes et conjuguées, qui menacent son existence même, la dernière chose à faire, pour ses membres, est de se disperser et d’espérer trouver le salut chacun de son côté, dans la débandade. Certes Bruxelles a trahi, certes l’Union européenne telle qu’elle a fonctionné depuis des décennies figure au premier rang des responsables de l’africanisation et de l’islamisation du continent. Mais on peut en dire à peu près autant des gouvernements de la plupart des États de l’Union, au moins à l’Ouest : et les peuples ne souhaitent pas pour autant la disparition de leurs nations respectives. En France, Vichy avait aussi trahi, lors de la précédente occupation, et Vichy était l’État français : ce n’était pas raison suffisante, bien au contraire, pour les Français, de vouloir en finir avec la France et avec leur État ; pas davantage ne faut-il, pour les Européens, en finir avec l’Europe, qui est une réalité culturelle, civilisationnelle, ethnique, aussi forte que chacune des nations qui la composent, et plus ancienne.

Bruxelles, Vichy de l’Europe
On peut en revanche abandonner Bruxelles qui aura été, en quelque sorte, le Vichy de l’Europe. Pour effacer les mauvais souvenirs qui lui sont liés on peut changer de capitale, et choisir par exemple Vienne, ville impériale veuve d’un empire, idéalement placée au point de convergence et de rencontre de l’Europe du Nord et de l’Europe du Sud, de l’Europe de l’Ouest et de l’Europe de l’Est, de l’Europe catholique et de l’Europe protestante, au cœur musical, psychanalytique et juif de l’Europe centrale. À cette Europe refondée que nous appelons de nos vœux, bâtie sur le modèle d’une confédération à la manière ancienne de la Suisse, on pourra donner un président, de préférence élu au suffrage universel, et d’abord une constitution, qui en fasse une véritable Europe des Nations, avec une claire répartition des droits, des compétences et des devoirs entre les différents niveaux de pouvoir.

Traumatisée par ses crimes autant que par ses malheurs, ses souffrances et ses destructions, l’Europe, après la Seconde Guerre mondiale, a voulu, plus ou moins consciemment, sortir de l’histoire. Elle s’est aveuglée volontairement, elle s’est bouché les oreilles, elle s’est retirée du monde, elle a cru que la Terre allait s’arrêter de tourner si elle participait de moins en moins à ses affaires. Elle a même, dans sa folie, ou sa paresse, ou son avarice, ou sa lâcheté, confié à d’autres le soin de sa défense. Elle s’est créé un monde imaginaire, une réalité de substitution, un réel faux, un faux réel, ce fauxel ou faussel qu’on évoquait plus haut, et dans lequel ce qui arrive n’arrive pas, à commencer par ce qui arrive de plus massif, de plus énorme, de plus dépourvu de précédent à cette échelle, de plus fatal à une civilisation et à son existence : à savoir l’invasion migratoire, le changement de peuple et de civilisation, le Grand Remplacement.

L’autogénocide européen
C’est uniquement par cette volonté post-traumatique de sortie de l’histoire que peut s’expliquer l’invraisemblable passivité d’un continent jadis si entreprenant, et même remuant, face à la plus grande secousse de sa destinée à travers les siècles : la submersion ethnique, le génocide par substitution, l’autogénocide, en quelque sorte, la destruction des Européens d’Europe par eux-mêmes, par leurs gouvernement élus, par l’Union européenne — cela au douteux avantage des envahisseurs, absurdement déguisés sur le tard en « réfugiés », comme si la moitié de la Terre était constituée de « réfugiés » ; et pour le profit plus certain de la davocratie planétaire, de la gestion toute financière et managériale du parc humain par les industries de l’homme, du remplacisme global. Le racisme avait fait de l’Europe un champ de ruines, l’antiracisme en fait un bidonville haineux : l’appartement témoin du bidonville universel, que l’on aurait bien tort de prendre encore pour un village, avec ses papiers gras partout, ses détritus, ses tags, ses eaux sales, ses rats, ses boîtes à hommes, ses combats de tous les instants, à coups de machette ou de millions, pour un peu d’espace ou un peu d’air.

L’Europe n’a de chance de salut qu’en opérant à présent son retour dans l’histoire, c’est-à-dire dans la réalité, dans la réel vrai, en acceptant de se réveiller, si douloureux que cela soit, de l’éternel présent du faussel, ce réel faux où elle s’est complu parce que rien n’y arrivait sinon des phénomènes confus maquillés tous en autre chose : une substitution ethnique en crise des réfugiés, une guerre de conquête en terrorisme, un réensauvagement hébété en démocratisation culturelle, etc. Les blocs de puissance sont évidents de par le monde, là les États-Unis et leurs clients, ici l’immense Russie et son éternel despotisme oriental, là-bas la Chine innombrable et forte de cette puissance industrielle que l’Europe lui abandonne chaque jour davantage, à nos portes et déjà dans la place l’islamisme atrabilaire et menaçant, sans oublier l’Afrique proliférante, qui, si elle n’est pas le plus grave danger immédiat pour le concert des nations, est certainement la plus sérieuse menace, par son explosive démographie, pour la bonne santé déjà si compromise de la planète. Entre ces forces gigantesques l’Europe n’a aucun espoir de persévérer dans l’être, dans l’indépendance et dans sa civilisation propre, qui fut avec ses ombres et ses lumières une des plus brillantes qu’ait connues la Terre, si elle ne se résout pas à se concevoir à nouveau comme puissance.

Une monnaie forte, l’euro, à défendre et renforcer
Elle a déjà, par chance, une monnaie forte, l’euro, qu’il ne tient qu’à elle de défendre et de renforcer, en adoptant à son égard les principes austères des pays de Nord, qui leur ont si bien réussi, plutôt que ceux des pays du Sud. Pour retrouver sa place dans le monde il lui faut se doter d’une diplomatie et d’une armée, mais avant tout d’une volonté, et qui soit autre chose que le maigre ensemble de valeurs un peu niaises, surtout si elle est seule à les pratiquer, dont on la voit dépérir sous nos yeux. Elle ne peut être éternellement l’homme ou la femme malade des cinq continents. Personne ne lui demande la moindre agressivité, et encore moins, Dieu sait, d’esprit de conquête, sinon spirituelle, intellectuelle ou scientifique. On souhaiterait seulement qu’elle ne s’oubliât pas tout à fait dans une médiocrité affaissée et repue ; ni n’oubliât les Européens dont elle a la charge, et qu’elle abandonne avec tant d’indifférence, aujourd’hui, à l’invasion — pour ne pas dire qu’elle les lui livre.

Tout est tellement détérioré et compromis dans l’Europe du remplacisme global, qu’il s’agisse des institutions, des hommes, des femmes, des âmes ou des paysages, tout, sauf les profiteurs et les organisateurs de ce drame, est tellement fatigué, usé, lassé, épuisé par le mensonge, la gêne, le vivre-ensemble et les humiliations de la conquête, que toute reconstruction ou reprise devra nécessairement adopter, ne serait-ce que pour commencer, la voie d’une politique des sanctuaires : sanctuaires pour l’École, sanctuaires pour la culture, sanctuaires pour les paysages et la beauté du monde, sanctuaires pour le travail, l’emploi, l’économie, l’agriculture.

Reconstruire l’École
En France, mais aussi dans de nombreux autres pays de l’Union, l’institution scolaire, d’ailleurs typique de ce qui doit demeurer exclusivement dans la compétence des États, est dans un tel délabrement, et livrée à tant d’intérêts corporatistes et d’idéologies contraires, que toute espérance de succès est vaine, pour une réforme de plus. Ce que propose la Ligne claire est une sécession scolaire interne, sur la base d’un triple volontariat : des maîtres, des parents d’élèves et des élèves eux-mêmes. À ceux qui veulent prodiguer ou recevoir une éducation fidèle aux principes anciens d’autorité, de sélection, de formalisme tempéré par la gentillesse, de chronologie dans les enseignements, de présence du grec et du latin comme fondements parmi les plus fédérateurs de la civilisation européenne, à ceux-là il serait attribué des établissements et des fonds publics au prorata de leur nombre. Dans ces écoles, collèges et lycées réformés serait admis qui voudrait, indépendamment de toute considération de fortune ou d’origine, naturellement ; mais ne seraient gardés que ceux qui pourraient et voudraient en éprouver la rigueur bienveillante mais assumée, qu’il s’agisse des programmes ou de l’aménagement des jours ou des trimestres de travail. À ceux qui n’y parviendraient pas, ou qui ne seraient pas animés du désir d’y faire face et de s’en construire, il ne serait promis aucun sort plus amer que le retour au système actuel, dont les thuriféraires et perpétuels réformateurs disent si grand bien. On les laisserait à leurs lubies, en espérant toutefois que les bons résultats d’un modèle éprouvé finissent assez vite par s’imposer à eux, et par se proposer aussi, comme un objet d’émulation et de désir, à leurs élèves.

Afin de pallier les inégalités liées aux situations sociales et culturelles de départ il serait créé un corps professoral d’assistance individuelle, ou quasi individuelle, qui, dans l’idéal, et avec le temps, devrait d’ailleurs être disponible pour tous les âges de la vie. L’objectif serait de garantir un égal accès à ces inégalités fondamentales — ne serait-ce qu’avec soi-même — que sont l’éducation, la connaissance, la culture.

Réhabiliter la Culture
On a déploré à très juste titre que l’Europe, qui est avant tout une civilisation gréco-latine, chrétienne, celte, slave, juive, libre-penseuse, attachée au libre examen, et autant à l’étude et au goût de l’autre qu’à l’auto-analyse, n’ait pas placé la culture, les arts, la vie avec la pensée, en exergue à sa tardive construction politique. Et de fait celle-ci ne se ressent que trop, à la vérité, de la primauté donnée d’emblée à l’économie, c’est-à-dire bien vite à l’économisme, à la finance, à une conception toute chiffrée, normalisée, standardisée du monde et de la vie, naturellement favorable à l’interchangeabilité générale, à l’homme remplaçable et à la matière humaine indifférenciée. Le remplacisme global a eu tôt fait de repérer en ce continent qui ne voulait plus que vaquer paisiblement à ses petites affaires, sans plus se soucier de la moindre transcendance, une terre d’élection toute trouvée pour ses expérimentations et manipulations sur l’espèce humaine, sorte de G.P.A. ou de P.M.A. généralisées, étendues aux races et aux peuples. Il semble urgent de corriger ce tir mal engagé, et de placer au centre de la construction européenne, au contraire, la culture, les arts, les sciences, le champ intellectuel et spirituel de l’existence. À cette fin, et pour marquer symboliquement et pratiquement cet objectif, il paraîtrait judicieux et même urgent de créer une académie européenne des Arts, des Lettres et des Sciences, qui pourrait compter une centaine de membres, choisis parmi les plus représentatifs de la culture d’un bout à l’autre du continent, et qui pourraient se réunir deux ou trois jours durant tous les trimestres, par exemple — à Vienne, qui sait, dans une des beaux palais de Vienne, l’éventuelle nouvelle capitale.

L’idée de sanctuaire pour la culture impliquerait la renonciation au nombre, à la quantité pour la quantité, aux industries culturelles, renvoyées qu’elles seraient, celles-là, et comme l’implique leur nom, à l’industrie, justement, au commerce, au tourisme, au loisir, au divertissement. Un grand principe d’excellence et de hauteur, de silence, aussi, de docte sérénité, devrait être opposé en tout à la massification, qui n’est qu’un des visages, et parmi les plus redoutables, du remplacisme global et de la déshumanisation de l’homme.

Des sanctuaires à la beauté du monde
Il faut aussi des sanctuaires à la beauté du monde, de toute part menacée par la banlieue universelle, le bidonville global, l’artificialisation précipitée, la destruction des paysages, qui n’est pas par hasard concomitante à celle des peuples et des âmes. L’Europe est soumise en même temps à quatre colonisations superposées, au moins : culturelle, par l’Amérique ; démographique, par l’Afrique ; religieuse, par l’islam ; et physique, matérielle, matérialiste, matiériste, par le béton, le ciment, le parpaing, le néon, le plastique et la tôle ondulée. La beauté et la liberté sont sœurs dans l’espace sensible, elles sont loisir de s’absenter, de n’être pas là, de prendre ses distances et du recul à l’égard du cours tout matériel des événements et des choses. De même qu’il faut un droit au silence il faut un droit au vide, ce silence visuel. On dressera des cartes de ce qu’il en demeure, et on érigera ce reste en sanctuaires, protégés aussi bien de l’urbanisation que de l’industrialisation, fût-elle l’agricole ; et non moins des non moins redoutables « aménagements », fussent-ils touristiques. Au demeurant c’est chaque ferme qui devrait devenir un sanctuaire, pour une agriculture enfin rendue à elle-même et libérée, comme la culture, de l’industrie et du grand commerce.

Les antiremplacistes, seuls écologistes conséquents
Les antiremplacistes, adversaires de l’homme remplaçable, jetable, délocalisable, interchangeable, désoriginé, broyé, sont les seuls écologistes conséquents. Non seulement ils ne peuvent pas concevoir une écologie qui ne prenne pas en compte sa propre dimension esthétique, et qui dresse partout des éoliennes, par exemple, sous prétexte d’énergie propre, sans s’affliger qu’elle rendent la vie indigne d’être vécue, et le monde d’être vu ; mais leur idée de la biodiversité, loin de se limiter à la faune et à la flore, si tragiquement menacées qu’elles sont, va jusqu’à l’homme, et s’attache à la conservation heureuse de ses visages divers, de ses cultures, de ses civilisations, de ses races, de ses sexes, des différents types de société qu’il a élaborés à travers les âges et qui aujourd’hui tendent toutes à la fusion, au broyage collectif, corrélats de la rapide prolétarisation de l’espèce.

L’antiremplacisme politique, dont la Ligne claire, qui le caractérise, est la présente incarnation électorale, se reconnaît quatre modèles : la lutte des peuples pour leur droit à disposer d’eux-mêmes, principalement au XIXe siècle, en Grèce, en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Belgique, etc. ; la résistance à l’occupant nazi, lors de la Seconde Guerre mondiale ; les combats pour la décolonisation, en Inde, en Indonésie, en Afrique noire, au Maghreb ; et le refus buté des dissidents soviétiques qui ont montré au monde, contre toute espérance, que la seule vérité pouvait faire s’écrouler en quelques semaines, ou en quelques jours, les plus formidables totalitarismes lorsqu’ils sont — comme en son temps le communisme d’État ou comme le remplacisme davocratique aujourd’hui — édifiés exclusivement sur le mensonge.

Une seule Ligne claire : vers la remigration
Jamais une occupation n’a pris fin sans le départ de l’occupant. Jamais une colonisation ne s’est achevée sans le retrait des colonisateurs et des colons. La Ligne claire, et seule à l’être, c’est celle qui mène du ferme constat du Grand Remplacement, aujourd’hui presque unanime, par la force des choses, à l’exigence de la remigration. Ceux qui prétendent la remigration impossible sont les mêmes qui disent en même temps que l’humanité est entrée dans une ère de migration générale, que les nations sont des hôtels, que tous les hommes sont ou doivent être en tout temps et en tout lieu des personnes déplacées ; et qui annoncent sans ciller que l’Europe a besoin de quarante millions de migrants, quand ce n’est pas de deux cents millions : or, ce qui selon eux est tout à fait possible dans un sens, et même souhaitable, doit bien l’être autant dans un autre, surtout avec le concours, non plus d’intercesseurs éminemment douteux, comme les passeurs, auxiliaires patentés et complices des industries de l’homme, mais d’un ou de plusieurs États résolus à agir, tardivement, avec humanité autant que détermination.

Renaud Camus
Karim Ouchikh

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