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André Malraux

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Discours sur Jean Moulin - 19 décembre 1964




André MALRAUX : Discours sur Jean Moulin - 19 décembre 1964
Le 19 décembre 1964, par un jour glacial, les cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon, en présence du général de Gaulle. Malraux prononce alors un discours resté gravé dans les mémoires de ceux qui l'entendirent:
Monsieur le président de la République,
Voilà donc plus de vingt ans que Jean Moulin partit, par un temps de décembre sans doute semblable à celui-ci, pour être parachuté sur la terre de Provence, et devenir le chef d'un peuple de la nuit. Sans la cérémonie d'aujourd'hui, combien d'enfants de France sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis, sont nés seize millions d'enfants...
Puissent les commémorations des deux guerres s'achever par la résurrection du peuple d'ombres que cet homme anima, qu'il symbolise, et qu'il fait entrer ici comme une humble garde solennelle autour de son corps de mort. Après vingt ans, la Résistance est devenue un monde de limbes où la légende se mêle à l'organisation. Le sentiment profond, organique, millénaire, qui a pris depuis son accent de légende, voici comment je l'ai rencontré. Dans un village de Corrèze, les Allemands avaient tué des combattants du maquis, et donné ordre au maire de les faire enterrer en secret, à l'aube. Il est d'usage, dans cette région, que chaque femme assiste aux obsèques de tout mort de son village en se tenant sur la tombe de sa propre famille. Nul ne connaissait ces morts, qui étaient des Alsaciens. Quand ils atteignirent le cimetière, portés par nos paysans sous la garde menaçante des mitraillettes allemandes, la nuit qui se retirait comme la mer laissa paraître les femmes noires de Corrèze, immobiles du haut en bas de la montagne, et attendant en silence, chacune sur la tombe des siens, l'ensevelissement des morts français.
Comment organiser cette fraternité pour en faire un combat ? On sait ce que Jean Moulin pensait de la Résistance, au moment où il partit pour Londres : « Il serait fou et criminel de ne pas utiliser, en cas d'action alliée sur le continent, ces troupes prêtes aux sacrifices les plus grands, éparses et anarchiques aujourd'hui, mais pouvant constituer demain une armée cohérente de parachutistes déjà en place, connaissant les lieux, ayant choisi leur adversaire et déterminé leur objectif. » C'était bien l'opinion du général de Gaulle. Néanmoins, lorsque, le 1 janvier 1942, Jean Moulin fut parachuté en France, la Résistance n'était encore qu'un désordre de courage : une presse clandestine, une source d'informations, une conspiration pour rassembler ces troupes qui n'existaient pas encore. Or, ces informations étaient destinées à tel ou tel allié, ces troupes se lèveraient lorsque les Alliés débarqueraient. Certes, les résistants étaient des combattants fidèles aux Alliés. Mais ils voulaient cesser d'être des Français résistants, et devenir la Résistance française.
C'est pourquoi Jean Moulin est allé à Londres. Pas seulement parce que s'y trouvaient des combattants français (qui eussent pu n'être qu'une légion), pas seulement parce qu'une partie de l'empire avait rallié la France libre. S'il venait demander au général de Gaulle de l'argent et des armes, il venait aussi lui demander « une approbation morale, des liaisons fréquentes, rapides et sûres avec lui ». Le Général assumait alors le Non du premier jour ; le maintien du combat, quel qu'en fût le lieu, quelle qu'en fût la forme ; enfin, le destin de la France. La force des appels de juin 40 tenait moins aux « forces immenses qui n'avaient pas encore donné », qu'à : « Il faut que la France soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. » La France, et non telle légion de combattants français. C'était par la France libre que les résistants de Bir Hakeim se conjuguaient, formaient une France combattante restée au combat. Chaque groupe de résistants pouvait se légitimer par l'allié qui l'armait et le soutenait, voire par son seul courage ; le général de Gaulle seul pouvait appeler les mouvements de Résistance à l'union entre eux et avec tous les autres combats, car c'était à travers lui seul que la France livrait un seul combat. C'est pourquoi - même lorsque le président Roosevelt croira assister à une rivalité de généraux ou de partis - l'armée d'Afrique, depuis la Provence jusqu'aux Vosges, combattra au nom du gaullisme comme feront les troupes du Parti communiste. C'est pourquoi Jean Moulin avait emporté, dans le double fond d'une boîte d'allumettes, la microphoto du très simple ordre suivant : « M. Moulin a pour mission de réaliser, dans la zone non directement occupée de la métropole, l'unité d'action de tous les éléments qui résistent à l'ennemi et à ses collaborateurs. » Inépuisablement, il montre aux chefs des groupements le danger qu'entraîne le déchirement de la Résistance entre des tuteurs différents. Chaque événement capital - entrée en guerre de la Russie, puis des États-Unis, débarquement en Afrique du Nord - renforce sa position. A partir du débarquement, il apparaît que la France va redevenir un théâtre d'opérations. Mais la presse clandestine, les renseignements (même enrichis par l'action du noyautage des administrations publiques) sont à l'échelle de l'Occupation, non de la guerre. Si la Résistance sait qu'elle ne délivrera pas la France sans les Alliés, elle n'ignore plus l'aide militaire que son unité pourrait leur apporter. Elle a peu à peu appris que s'il est relativement facile de faire sauter un pont, il n'est pas moins facile de le réparer ; alors que s'il est facile à la Résistance de faire sauter deux cents ponts, il est difficile aux Allemands de les réparer à la fois. En un mot, elle sait qu'une aide efficace aux armées de débarquement est inséparable d'un plan d'ensemble. Il faut que sur toutes les routes, sur toutes les voies ferrées de France, les combattants clandestins désorganisent méthodiquement la concentration des divisions cuirassées allemandes. Et un tel plan d'ensemble ne peut être conçu, et exécuté, que par l'unité de la Résistance.
C'est à quoi Jean Moulin s'emploie jour après jour, peine après peine, un mouvement de Résistance après l'autre : « Et maintenant, essayons de calmer les colères d'en face... » Il y a, inévitablement, des problèmes de personnes ; et bien davantage, la misère de la France combattante, l'exaspérante certitude pour chaque maquis ou chaque groupe franc, d'être spolié au bénéfice d'un autre maquis ou d'un autre groupe, qu'indignent, au même moment, les mêmes illusions... Qui donc sait encore ce qu'il fallut d'acharnement pour parler le même langage à des instituteurs radicaux ou réactionnaires, des officiers réactionnaires ou libéraux, des trotskistes ou communistes retour de Moscou, tous promis à la même délivrance ou à la même prison ; ce qu'il fallut de rigueur à un ami de la République espagnole, à un ancien « préfet de gauche », chassé par Vichy, pour exiger d'accueillir dans le combat commun tels rescapés de la Cagoule !
Jean Moulin n'a nul besoin d'une gloire usurpée : ce n'est pas lui qui a créé Combat, Libération, Franc-tireur, c'est Frenay, d'Astier, Jean-Pierre Lévy. Ce n'est pas lui qui a créé les nombreux mouvements de la zone Nord dont l'histoire recueillera tous les noms. Ce n'est pas lui qui a fait les régiments mais c'est lui qui a fait l'armée. Il a été le Carnot de la Résistance.
Attribuer peu d'importance aux opinions dites politiques, lorsque la nation est en péril de mort - la nation, non pas un nationalisme alors écrasé sous les chars hitlériens, mais la donnée invincible et mystérieuse qui allait emplir le siècle ; penser qu'elle dominerait bientôt les doctrines totalitaires dont retentissait l'Europe ; voir dans l'unité de la Résistance le moyen capital du combat pour l'unité de la nation, c'était peut-être affirmer ce qu'on a, depuis, appelé le gaullisme. C'était certainement proclamer la survie de la France.

En février, ce laïc passionné avait établi sa liaison par radio avec Londres, dans le grenier d'un presbytère. En avril, le Service d'information et de propagande, puis le Comité général d'études étaient formés ; en septembre, le noyautage des administrations publiques. Enfin, le général de Gaulle décidait la création d'un Comité de coordination que présiderait Jean Moulin, assisté du chef de l'Armée secrète unifiée. La préhistoire avait pris fin. Coordonnateur de la Résistance en zone Sud, Jean Moulin en devenait le chef. En janvier 1943, le Comité directeur des Mouvements unis de la Résistance (ce que, jusqu'à la Libération, nous appellerions les Murs) était créé sous sa présidence. En février, il repartait pour Londres avec le général Delestraint, chef de l'Armée secrète, et Jacques Dalsace. De ce séjour, le témoignage le plus émouvant a été donné par le colonel Passy. « Je revois Moulin, blême, saisi par l'émotion qui nous étreignait tous, se tenant à quelques pas devant le Général et celui-ci disant, presque à voix basse : "Mettez-vous au garde-à-vous", puis : "Nous vous reconnaissons comme notre compagnon, pour la libération de la France, dans l'honneur et par la victoire". Et pendant que de Gaulle lui donnait l'accolade, une larme, lourde de reconnaissance, de fierté, et de farouche volonté, coulait doucement le long de la joue pâle de notre camarade Moulin. Comme il avait la tête levée, nous pouvions voir encore, au travers de sa gorge, les traces du coup de rasoir qu'il s'était donné, en 1940, pour éviter de céder sous les tortures de l'ennemi. » Les tortures de l'ennemi... En mars, chargé de constituer et de présider le Conseil national de la Résistance, Jean Moulin monte dans l'avion qui va le parachuter au nord de Roanne.
Ce Conseil national de la Résistance, qui groupe les mouvements, les partis et les syndicats de toute la France, c'est l'unité précairement conquise, mais aussi la certitude qu'au jour du débarquement, I'armée en haillons de la Résistance attendra les divisions blindées de la Libération.
Jean Moulin en retrouve les membres, qu'il rassemblera si difficilement. Il retrouve aussi une Résistance tragiquement transformée. Jusque-là, elle avait combattu comme une armée, en face de la victoire, de la mort ou de la captivité. Elle commence à découvrir l'univers concentrationnaire, la certitude de la torture. C'est alors qu'elle commence à combattre en face de l'enfer. Ayant reçu un rapport sur les camps de concentration, il dit à son agent de liaison, Suzette Olivier : « J'espère qu'ils nous fusillerons avant. » Ils ne devaient pas avoir besoin de le fusiller.
La Résistance grandit, les réfractaires du travail obligatoire vont bientôt emplir nos maquis ; la Gestapo grandit aussi, la Milice est partout. C'est le temps où, dans la campagne, nous interrogeons les aboiements des chiens au fond de la nuit ; le temps où les parachutes multicolores, chargés d'armes et de cigarettes, tombent du ciel dans la lueur des feux des clairières ou des causses ; le temps des caves, et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d'enfants... La grande lutte des ténèbres a commencé.
Le 27 mai 1943, a lieu à Paris, rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance.
Jean Moulin rappelle les buts de la France libre : « Faire la guerre ; rendre la parole au peuple français ; rétablir les libertés républicaines dans un Etat d'où la justice sociale ne sera pas exclue et qui aura le sens de la grandeur ; travailler avec les Alliés à l'établissement d'une collaboration internationale réelle sur le plan économique et social, dans un monde où la France aura regagné son prestige. »
Puis il donne lecture d'un message du général de Gaulle, qui fixe pour premier but au premier Conseil de la Résistance, le maintien de l'unité de cette Résistance qu'il représente.

Au péril quotidien de la vie de chacun de ses membres. Le 9 juin, le général Delestraint, chef de l'Armée secrète enfin unifiée, est pris à Paris.
Aucun successeur ne s'impose. Ce qui est fréquent dans la clandestinité : Jean Moulin aura dit maintes fois avant l'arrivée de Serreules : « Si j'étais pris, je n'aurais pas même eu le temps de mettre un adjoint au courant... » Il veut donc désigner ce successeur avec l'accord des mouvements, notamment de ceux de la zone Sud. Il rencontrera leurs délégués le 21, à Caluire.
Ils l'y attendent, en effet.
La Gestapo aussi.
La trahison joue son rôle - et le destin, qui veut qu'aux trois quarts d'heure de retard de Jean Moulin, presque toujours ponctuel, corresponde un long retard de la police allemande. Assez vite, celle-ci apprend qu'elle tient le chef de la Résistance.
En vain. Le jour où, au fort Montluc à Lyon, après l'avoir fait torturer, l'agent de la Gestapo lui tend de quoi écrire puisqu'il ne peut plus parler, Jean Moulin dessine la caricature de son bourreau. Pour la terrible suite, écoutons seulement les mots si simples de sa soeur : « Son rôle est joué, et son calvaire commence. Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous. »
Comprenons bien que, pendant les quelques jours où il pourrait encore parler ou écrire, le destin de la Résistance est suspendu au courage de cet homme. Comme le dit M Moulin, il savait tout.
Georges Bidault prendra sa succession. Mais voici la victoire de ce silence atrocement payé : le destin bascule. Chef de la Résistance martyrisé dans des caves hideuses, regarde de tes yeux disparus toutes ces femmes noires qui veillent nos compagnons : elles portent le deuil de la France, et le tien. Regarde glisser sous les chênes nains du Quercy, avec un drapeau fait de mousselines nouées, les maquis que la Gestapo ne trouvera jamais parce qu'elle ne croit qu'aux grands arbres. Regarde le prisonnier qui entre dans une villa luxueuse et se demande pourquoi on lui donne une salle de bains - il n'a pas encore entendu parler de la baignoire. Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures.
Voici le fracas des chars allemands qui remontent vers la Normandie à travers les longues plaintes des bestiaux réveillés : grâce à toi, les chars n'arriveront pas à temps. Et quand la trouée des Alliés commence, regarde, préfet, surgir dans toutes les villes de France les commissaires de la République - sauf lorsqu'on les a tués. Tu as envié, comme nous, les clochards épiques de Leclerc : regarde, combattant, tes clochards sortir à quatre pattes de leurs maquis de chênes, et arrêter avec leurs mains paysannes formées aux bazookas l'une des premières divisions cuirassées de l'empire hitlérien, la division Das Reich.
Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique et les combats d'Alsace, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit...  Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais : « Ecoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi. »
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Rundstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Ecoute aujourd'hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici. A côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France...
 (19 décembre 1964.)








Quotes, Citations, Zitate



… On a mis un demi-soldat dans un demi-char et le résultat ne s’est pas fait attendre.
André Malraux
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L'essentiel est à mes yeux ceci : aimer un être n'est pas le tenir pour merveilleux, c'est le tenir pour nécessaire.
André Malraux
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Juger, c’est évidemment ne pas comprendre, puisque, si l’on comprenait, on ne pourrait plus juger.
André Malraux
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La culture… ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de la nature.
André Malraux
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La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert.
 André Malraux
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La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache.
André Malraux
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On ne voit vieillir que les autres.
André Malraux
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Pour l’essentiel, l’homme est ce qu’il cache : un misérable petit tas de secrets.

Ne faites jamais semblant que vous avez lu un livre quand ce n’est pas vrai. De toutes les façons, on ne peut pas tout lire. Il ne faut lire que ce dont on a envie. Le reste n’a pas d’importance.
André Malraux
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Si l'on y réfléchit bien, le Christ est le seul anarchiste qui ait vraiment réussi.
André Malraux
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Il est temps d'en finir avec le mensonge...Voyez par exemple le journal des Goncourt : parfois ils écrivent dix-huit pages sur un dîner avec leurs copains au restaurant Magny. Comment voulez-vous que les invités aient prononcé très exactement les mots qu'on leur fait dire ? Non, soyons sérieux ; on se souvient de l'essentiel et pour le reste on improvise.
André Malraux
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Le talent c'est de raccrocher dans la couleur.
André Malraux
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A quoi bon aller dans la lune, si c'est pour s'y suicider ?
André Malraux
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"La culture... ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de l'univers
André Malraux
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L'art est la seule chose qui résiste à la mort.
André Malraux
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“La vraie barbarie, c'est Dachau ; la vraie civilisation, c'est d'abord la part de l'homme que les camps ont voulu détruire.”
André Malraux
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Le monde aurait pu être simple comme le ciel et la mer.
André Malraux
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L'art, c'est le plus court chemin de l'Homme à l'Homme.
André Malraux
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L'homme ne se construit qu'en poursuivant ce qui le dépasse.
André Malraux
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En face de l'inconnu, certains de nos rêves n'ont pas moins de signification que nos souvenirs.
André Malraux
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Une civilisation me paraît se définir à la fois par des questions qu'elle pose et par celles qu'elle ne pose pas.
André Malraux
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La tentation de l'Occident (1926)


… La beauté d'une femme ne sera jamais une promesse de plaisir sentimental.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
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Une femme vous touche par ce qu'elle a d'unique.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
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Connaître le monde n'est pas en faire un système, c'est en prendre une conscience intense.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
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Quiconque se laisse diriger par l'esprit ne vivra plus que pour lui et par lui.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
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Les conquérants (1928)


Juger, c'est de toute évidence, ne pas comprendre ; si l'on comprenait, on ne pourrait plus juger.
André Malraux ; Les conquérants (1928)
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Je les préfère [les pauvres], mais uniquement parce qu'ils sont des vaincus. Oui, ils ont, dans l’ensemble, plus de cœur, plus d'humanité que les autres : vertus de vaincus. Mais je sais très bien qu'ils deviendraient abjects, dès que nous aurions triomphé ensemble…
André Malraux ; Les conquérants (1928)
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Juger, c'est de toute évidence ne pas comprendre puisque, si l'on comprenait, on ne pourrait plus juger.
Les conquérants - André Malraux
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La voie royale (1930)


La jeunesse est une religion dont il faut toujours finir par se convertir.
André Malraux ; La voie royale (1930)
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Un homme qui pense au sexe comme au complément d'une femme est mûr pour l'amour.
André Malraux ; La voie royale (1930)
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La vie est une matière, il s'agit de savoir ce qu'on en fait, bien qu'on n'en fasse jamais rien.
André Malraux ; La voie royale (1930)
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Depuis quatre jours, la forêt.
Depuis quatre jours, campements près des villages nés d'elle comme leurs bouddhas de bois, comme le chaume de palmes de leurs huttes sorties du sol mou en monstrueux insectes ; décomposition de l'esprit dans cette lumière d'aquarium, d'une épaisseur d'eau. Ils avaient rencontré déjà des petits monuments écrasés, aux pierres si serrées par les racines qui les fixaient au sol comme des pattes qu'ils ne semblaient plus avoir été élevés par des hommes mais par des êtres disparus habitués à cette vie sans horizon, à ces ténèbres marines. Décomposée par les siècles, la Voie ne montrait sa présence que par ces masses minérales pourries, avec les deux yeux de quelque crapaud immobile dans un angle des pierres. Promesses ou refus, ces monuments abandonnés par la forêt comme des squelettes ? La caravane allait-elle enfin atteindre le temple sculpté vers quoi la guidait l'adolescent qui fumait sans discontinuer les cigarettes de Perken ? Ils auraient dû être arrivés depuis trois heures… La forêt et la chaleur étaient pourtant plus fortes que l'inquiétude : Claude sombrait comme dans une maladie dans cette fermentation où les formes se gonflaient, s'allongeaient, pourrissait hors du monde dans lequel l'homme compte, qui le séparait de lui-même avec la force de l'obscurité. Et partout, les insectes.
La Voie Royale de André Malraux
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Ce n'est pas pour mourir que je pense à ma mort, c'est pour vivre.
La Voie Royale de André Malraux
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La condition humaine (1933)


Il faut toujours s'intoxiquer : ce pays a l'opium, l'Islam le haschich, l'Occident la femme.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Les hommes sont la vermine de la terre.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
"Vous tenez à vivre?
-Ca dépend comment.
-On peut mourir aussi de diverses façons.
-On n'a pas le choix..
-Vous croyez qu'on choisit toujours sa façon de vivre?"
La Condition Humaine de André Malraux
*
La charité ne suffit pas toujours à épuiser l'angoisse.
André Malraux ; La condition humaine (1933)

Le sentiment positif, la réalité, c'est l'angoisse d'être toujours étranger à ce qu'on aime.
André Malraux ; La condition humaine (Prix Goncourt) (1933)
*
Un homme est la somme de ses actes, de ce qu'il fait, de ce qu'il peut faire. Rien d'autre.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
On ne connaît jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu'on l'ignore.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Le ridicule appelle le sang : on ne se venge vite que sur les corps.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Aucune chose n'est sans importance pour un homme dès qu'il y engage son orgueil.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Exprimer sa souffrance délivre.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie.
La Condition Humaine de André Malraux
*
Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me jugent ; mes semblables, ce sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'aiment contre tout, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison, moi, et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeraient tant que je m'aimerais moi-même -jusqu'au suicide, compris....
André Malraux - La Condition Humaine
*
On peut tromper la vie longtemps, mais elle finit toujours par faire de nous ce pour quoi nous sommes faits. Tout vieillard est un aveu, allez, et si tant de vieillesses sont vides, c'est que tant d'hommes l'étaient et le cachaient.
André Malraux - La Condition Humaine
*
On ne possède d'un être que ce qu'on change en lui.
André Malraux - La Condition Humaine
*
La pire souffrance est dans la solitude qui l'accompagne.
André Malraux - La Condition Humaine
*
D'ailleurs , les hommes sont peut-être indifférents au pouvoir...Ce qui les fascine dans cette idée, voyez-vous, ce n'est pas le pouvoir réel, c'est l'illusion du bon plaisir. Le pouvoir du roi, c'est de gouverner, n'est-ce pas? Mais, l'homme n'a pas envie de gouverner: il a envie de contraindre, vous l'avez dit. D'être plus qu' homme, dans un monde d'hommes. Échapper à la condition humaine, vous disais-je. Non pas puissant: tout-puissant. La maladie chimérique, dont la volonté de puissance n'est que la justification intellectuelle, c'est la volonté de déité: tout homme rêve d'être dieu.(page 229)
André Malraux - La Condition Humaine
*
Il n'aspire à aucune gloire, à aucun bonheur. Capable de vaincre, mais non de vivre dans la victoire, que peut-il appeler, sinon la mort ? Sans doute veut-il lui donner le sens que d'autres donnent à la vie. Mourir le plus haut possible. Ame d'ambitieux, assez lucide, assez séparé des hommes ou assez malade pour mépriser tous les objets de son ambition, et son ambition même ?
André Malraux - La Condition Humaine
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- Vous connaissez la phrase : "Il faut neuf mois pour faire un homme, et un seul jour pour le tuer". Nous l'avons su autant qu'on peut le savoir l'un et l'autre... May, écoutez: il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de... de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand, vraiment, il est homme, il n'est plus bon qu'à mourir. (p. 337)
André Malraux - La Condition Humaine
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Vous mourrez, cher, sans vous être douté qu'une femme est un être humain...
André Malraux - La Condition Humaine
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Toi qui t’imagines si bien tant de choses, qu’attends-tu pour t’imaginer que tu es heureux ?
André Malraux - La Condition Humaine
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L'odeur des cadavres de la ville chinoise passa, avec le vent qui se levait à nouveau. Clappique dut faire effort pour respirer : l'angoisse revenait. Il supportait plus facilement l'idée de la mort que son odeur.
André Malraux - La Condition Humaine
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Que faire d'une âme, s'il n'y a ni Dieu ni Christ ?
André Malraux ; La Condition Humaine
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Je n'aime pas l'humanité qui est faite de la contemplation de la souffrance.
André Malraux ; La Condition Humaine
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"Rouges ou bleus, disait Ferral, les coolies n'en seront pas moins coolies ; à moins qu'ils n'en soient morts. Ne trouvez-vous pas d'une stupidité caractéristique de l'espèce humaine qu'un homme qui n'a qu'une vie puisse la perdre pour une idée?
- Il est très rare qu'un homme puisse supporter, comment dirais-je? sa condition d'homme..."
André Malraux ; La Condition Humaine
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La réalité, c'est l'angoisse d'être étranger à ce qu'on aime p.226
André Malraux ; La Condition Humaine
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Non, les hommes n'existaient pas, puisqu'il suffit d'un costume pour échapper à soi-même, pour trouver une autre vie dans les yeux des autres.
André Malraux ; La Condition Humaine
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Les émeutiers partirent, tous armés cette fois : inutile d'occuper les petits postes de police désarmés. Les policiers hésitèrent. Trois se levèrent et voulurent les suivre. (Peut-être pillerait-on...) Tchen eut peine à se débarrasser d'eux. Les autres ramassèrent les cartes et recommencèrent à jouer.
« S'ils sont vainqueurs, dit l'un, peut-être serons-nous payés ce mois-ci ?
— Peut-être... » répondit le sous-officier. Il distribua les cartes.
« Mais s'ils sont battus, peut-être dira-t-on que nous avons trahi ?
— Qu'aurions-nous pu faire ? Nous avons cédé à la force. Nous sommes tous témoins que nous n'avons pas trahi. »
Ils réfléchissaient, le cou rentré, cormorans écrasés par la pensée.
« Nous ne sommes pas responsables », dit l'un.
Tous approuvèrent. Ils se levèrent pourtant et allèrent poursuivre leur jeu dans une boutique voisine, dont le propriétaire n'osa pas les chasser. Un tas d'uniformes resta seul au milieu du poste.
André Malraux ; La Condition Humaine
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Il n'y a rien de plus prenant chez un homme que l'union de la force et de la faiblesse
André Malraux ; La Condition Humaine
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L'humanité était épaisse et lourde, lourde de chair, de sang, de souffrance, éternellement collée à elle-même comme tout ce qui meurt ; mais même le sang, même la chair, même la douleur, même la mort se résorbaient là-haut dans la lumière comme la musique dans la nuit silencieuse.
André Malraux ; La Condition Humaine
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(...) il mourrait parmi ceux avec qui il aurait voulu vivre ; il mourrait, comme chacun de ces hommes couchés, pour avoir donné un sens à sa vie. Qu'eût valu une vie pour laquelle il n'eût pas accepté de mourir ?
André Malraux ; La Condition Humaine
*
On peut tromper la vie longtemps, mais elle finit toujours par faire de nous ce pour quoi nous sommes faits. Tout vieillard est un aveu, allez, et si tant de vieillesses sont vides, c'est que tant d'hommes l'étaient et le cachaient.
André Malraux ; La Condition Humaine
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Ses idées l'avaient fait vivre ; maintenant, elles allaient le tuer.
André Malraux ; La Condition Humaine
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Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même — de la chair d'homme.
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Il n'y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille douze heures par jour sans savoir pourquoi il travaille.
André Malraux ; La Condition Humaine
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Il est beau de mourir de sa mort, d'une mort qui ressemble à sa vie
André Malraux ; La Condition Humaine
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Ils s'étaient alignés de nouveau, au bord de la fosse cette fois, face aux mitrailleuses, clairs sur la neige : chair et chemises. Saisis par le froid, ils éternuaient sans arrêt, les uns après les autres, et ces éternuements étaient si intensément humains, dans cette aube d'exécution, que les mitrailleurs, au lieu de tirer, avaient attendu - attendu que la vie fût moins indiscrète.
André Malraux ; La Condition Humaine
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L'humanité était épaisse et lourde, lourde de chair, de sang, de souffrance, éternellement collée à elle-même comme tout ce qui meurt.
André Malraux ; La Condition Humaine
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il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de… de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand vraiment, il est homme, il n'est plus bon qu'à mourir
André Malraux ; La Condition Humaine
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Croyez-vous que toute vie réellement religieuse ne soit pas une conversion chaque jour ?
La Condition Humaine de André Malraux
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Etrange sensation que l'angoisse : on sent au rythme de son coeur qu'on respire mal, comme si l'on respirait avec le coeur..."
La Condition Humaine de André Malraux
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" Mon amour ", murmurait-elle, comme elle eût dit " ma chair ", sachant bien que c'était quelque chose d'elle-même, non d'étranger, qui lui était arraché ; " ma vie... "
La Condition Humaine de André Malraux
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Lentement empli du long cri d'une sirène, le vent qui apportait la rumeur presque éteinte de la ville en état de siège et le sifflet des vedettes qui rejoignaient les bateaux de guerre, passa sur les ampoules misérables allumées au fond des impasses et des ruelles ; autour d'elles, des murs en décomposition sortaient de l'ombre déserte, révélés avec toutes leurs taches par cette lumière que rien ne faisait vaciller et d'où semblaient émaner une sordide éternité. Cachés par ces murs, un demi-million d'hommes : ceux des filatures, ceux qui travaillaient seize heures par jour depuis l'enfance, le peuple de l'ulcère, de la scoliose, de la famine. Les verres qui protégeaient les ampoules se brouillèrent et, en quelques minutes, la grande pluie de Chine, furieuse, précipitée, prit possession de la ville.
La Condition Humaine de André Malraux
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« Tous souffrent, songea-t-il, et chacun souffre parce qu'il pense. Tout au fond, l'esprit ne pense l'homme que dans l'éternel, et la conscience de la vie ne peut être qu'angoisse. Il ne faut pas penser la vie avec l'esprit, mais avec l'opium. Que de souffrances éparses dans cette lumière disparaîtraient, si disparaissait la pensée... » Libéré de tout, même d'être homme, il caressait avec reconnaissance le tuyau de sa pipe, contemplant l'agitation de tous ces êtres inconnus qui marchaient vers la mort dans l'éblouissant soleil, chacun choyant au plus secret de soi-même son parasite meurtrier. « Tout homme est fou, pensa-t-il encore, mais qu'est une destinée humaine sinon une vie d'efforts pour unir ce fou et l'univers... » Il revit Ferral, éclairé par la lampe basse sur la nuit pleine de brume, écoutant : « Tout homme rêve d'être dieu... »
La Condition Humaine de André Malraux
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… j'aime mieux être nourri en prison que mourrir de faim en liberté...
La Condition Humaine de André Malraux
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Tout au fond l'esprit ne pense l'homme que dans l'éternel, et la conscience de la vie ne peut être qu'angoisse.
La Condition Humaine de André Malraux
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« Allô ? Allô, oui.
— ...
— Il vous tend une perche pour vous assommer avec. Il est hostile à l'intervention, c'est acquis. Il ne s'agit que de savoir s'il vaut mieux l'attaquer comme pédéraste ou affirmer qu'il est payé. C'est tout.
— ...
— Etant bien entendu qu'il n'est ni l'un ni l'autre. Au surplus, je n'aime pas qu'un de mes collaborateurs me croie capable d'attaque un homme sur une tare sexuelle qu'il présenterait réellement. Me prenez-vous pour un moraliste ? Au revoir. »
La Condition Humaine de André Malraux
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Il faut toujours s'intoxiquer : ce pays a l'opium, l'Occident la femme...Peut-être l'amour est-il surtout le moyen qu'emploie l'Occidental pour s'affranchir de sa condition d'homme...
La Condition Humaine de André Malraux
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Ferral aimait les animaux, comme tous ceux dont l'orgueil est trop grand pour s'accommoder des hommes ; les chats surtout.
La Condition Humaine de André Malraux
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En somme il ne couchait jamais qu'avec lui-même, mais il ne pouvait y parvenir qu'à la condition de ne pas être seul.
La Condition Humaine de André Malraux
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Il n'y a rien de plus prenant chez un homme que l'union de la force et de la faiblesse.
La Condition Humaine de André Malraux
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Journal Le Monde, le 27 juin 1935.


Etre un homme, c'est réduire sa part de comédie.
André Malraux ; Journal Le Monde, le 27 juin 1935.
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Le temps du mépris (1935)


Le mépris des hommes est fréquent chez les politiques, mais confidentiel.
André Malraux ; Le temps du mépris (1935)
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L'espoir (1937)


La mort n'est pas une chose si sérieuse ; la douleur, oui.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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Il y a toujours quelque chose de hideux dans la colère ; plus encore dans celle de l'ivresse.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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La force d'un penseur n'est ni dans son approbation ni dans sa protestation, elle est dans son explication.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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Pour parler d'amour aux amoureux, il faut avoir été amoureux.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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Il y a des guerres justes ; il n'y a pas d'armée juste.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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Il n'y a pas de héros sans auditoire.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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J’ai vu les démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les fascismes.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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La mort n'est pas une chose si sérieuse : la douleur, oui…
… L'art est peu de chose en face de la douleur et, malheureusement, aucun tableau ne tient en face des taches de sang.
André Malraux ; L'espoir (1937)
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J’appelle révolution la conséquence d’une insurrection dirigée par des cadres (politiques, techniques, tout ce que vous voudrez) formés dans la lutte, susceptibles de remplacer rapidement ceux qu’ils détruisent.
L'Espoir de André Malraux
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Etrange force du feu : montant et descendant avec un rythme de forge, il semble brûler sur tous les morts de la journée, épandre sur la folie des hommes la nuit qui monte.
L'Espoir de André Malraux
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Ce qu’il y a de bien dans ton projet, […] c’est que tu es un idiot. Je n’aime que les idiots. Ce qu’on appelait autrefois l’innocence. Tous les gens ont de trop grosses têtes, ils ne savent rien faire avec. Tous ces types sont des idiots comme nous…
L'Espoir de André Malraux
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Autrefois, les nôtres étaient disciplinés parce qu’ils étaient communistes. Maintenant, beaucoup deviennent communistes parce qu’ils sont disciplinés.
L'Espoir de André Malraux
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Le grand intellectuel est l'homme de la nuance, du degré, de la qualité, de la vérité en soi, de la complexité. Il est par définition, par essence, antimanichéen. Or, les moyens de l'action sont manichéens parce que toute action est manichéenne. A l'état aigu dès qu'elle touche les masses ; mais même si elle ne les touche pas. Tout vrai révolutionnaire est un manichéen-né. Et tout politique.
L'Espoir de André Malraux
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Le soir sans soleil couchant et sans autre vie que celle du feu, comme si Madrid eût été portée par une planète morte, faisait de cette fin de journée un retour aux éléments. Tout ce qui était humain disparaissait dans la brume de novembre crevée d'obus et roussie de flammes.
L'Espoir de André Malraux
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Les noyers de l'Altenburg (1943)


L'homme est ce qu'il fait.
André Malraux ; Les noyers de l'Altenburg (1943)
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La lutte avec l'ange (1945)


La culture ne nous enseigne pas l'homme, elle nous enseigne tout modestement l'homme cultivé.
André Malraux ; La lutte avec l'ange (1945)
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Le démon de l'absolu (1946)


Toute angoisse cherche son extase ; et, à défaut d'extase, son exaltation.
André Malraux ; Le démon de l'absolu (1946)
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Teils (1947)


On ne connaît jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu'on l'ignore.
André Malraux ; Teils (1947)
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Connaître par l'intelligence, c'est la tentation vaine de se passer du temps.
André Malraux ; Teils (1947)
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La seule chose nécessaire est de ne pas être seul.
André Malraux ; Teils (1947)
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Paroles et écrits politiques (1947-1972)


La jeunesse attire les démagogues comme le miel attire les mouches.
André Malraux ; Paroles et écrits politiques (1947-1972)
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La culture n'est pas une accumulation des valeurs du passé, elle en est l'héritage conquis.
André Malraux ; Paroles et écrits politiques (1947-1972)
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Saturne (1950-1978)


Le rire peut exprimer l'angoisse du condamné mieux que les larmes.
André Malraux ; Saturne (1950-1978)
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La psychologie de l'art (1951)


La postérité, c'est la reconnaissance des hommes pour les victoires qui leur semblent promettre la leur.
André Malraux ; La psychologie de l'art (1951)
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Les voix du silence(1951)


L'ombre parée de Versailles nous cache son âme ravagée.
André Malraux – Les voix du silence
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La métamorphose des dieux (1957)


L'amour de la mère est le seul amour invincible, éternel comme la naissance.
André Malraux ; La métamorphose des dieux (1957)
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Le seul domaine où le divin soit visible est l'art.
André Malraux ; La métamorphose des dieux (1957)
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Oraisons funèbres (1958-1965)


Le tombeau des héros est le cœur des vivants.
André Malraux ; Oraisons funèbres (1958-1965)
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Antimémoires (1967)


Le courage vaut ce que vaut l'homme.
André Malraux ; Antimémoires (1967)
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La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache.
André Malraux ; Antimémoires (1967)
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Le monde de l'art n'est pas celui de l'immortalité, c'est celui de la métamorphose.
André Malraux ; Antimémoires (1967)
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— Rien de plus mystérieux que la métamorphose d'une biographie en vie légendaire, mon général. Pourquoi César est-il l'une des plus grandes figures de l'Occident ? Des victoires importantes mais non capitales, un grand gouvernement romain parmi d'autres… Mais il y a eu Plutarque. Et Shakespeare.
André Malraux - Le Miroir des Limbes : I. Antimémoires, II. La Corde et les Souris
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Le XXIème siècle sera spiritualiste... ou ne sera pas
Antimémoires de André Malraux
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Le démon aime les collectivités, plus encore les assemblées, la grandeur aussi.
Antimémoires de André Malraux
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- Vous confessez depuis combien de temps?
-Une quinzaine d'années...
-Qu'est-ce que la confession vous a enseigné des hommes ?
-Vous savez, la confession n'apprend rien, parce que dès que l'on confesse, on est un autre, il y a la Grâce. Et pourtant... D'abord, les gens sont beaucoup plus malheureux qu'on ne croit...et puis...
Il leva ses bras de bûcheron dans la nuit pleine d'étoiles :
"Et puis, le fond de tout, c'est qu'il n'y a pas de grandes personnes..."
Il est mort aux Glières.
Antimémoires de André Malraux
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Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne
Antimémoires de André Malraux
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Le triangle noir (1970)


Une femme abandonnée par son amant fera coucher n'importe qui avec la fiancée de celui-ci, pour qu'il soit trompé avant même son mariage.
André Malraux ; Le triangle noir (1970)
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Les chênes qu'on abat (1971)


On ne voit vieillir que les autres.
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
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S'en prendre à quelqu'un est toujours une faiblesse.
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
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Oh ! Quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu'on abat pour le bûcher d'Hercule
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
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Vous aviez raison de dire : quand on passe par Montoire, on finit par Sigmaringen. Il ne faut jamais passer par Montoire.
Les chênes qu'on abat... de André Malraux
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Les Français ont été sublimes, ils ne le savaient pas ; ils sont redevenus médiocres, ils ne le croient pas.
Les chênes qu'on abat... de André Malraux
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La tête d'obsidienne (1974)


L'amour n'est pas un palmarès.
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
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Le romantisme remplace la beauté par le sublime.
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
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La Joconde sourit parce que tous ceux qui lui ont dessiné des moustaches sont morts.
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
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Lazare (1974)


Philosopher, c'est apprendre à mourir.
André Malraux ; Lazare (1974)
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Les décisions capitales sont des lapins qu'on tire au passage ; mieux vaut savoir tirer.
André Malraux ; Lazare (1974)
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L'égoïsme ne nous mène qu'à nous préférer, avec une véhémence confuse.
André Malraux ; Lazare (1974)
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- Ce qui commence à disparaître, c'est la formation de l'homme. La science peut détruire la planète, elle ne peut pas former un homme. Les sciences humaines le montrent à merveille. L'Homme n'est pas ce qu'elles posent, mais ce qu'elles cherchent. Ce qui rendait compte du monde avait formé les hommes - en se formant, si je puis dire. Pas seulement les religions: le Romain, qui éblouit l'Europe depuis la Renaissance jusqu'à Napoléon, n'était pas un type religieux.
- Pourquoi n'apprendraient-ils pas à se former tout seuls ?
- L'homme occidental reste informe parce qu'il attend. La science,en tant que croyance et non en tant que science, est croyance en une explication future du monde. Et les Occidentaux ont toujours l'air de croire qu'ils vont remplacer les Croisades par l'instruction civique. La formation de l'homme passe par le type exemplaire:saints, chevalier, caballero, gentleman, bolchevik et autres. L'exemplarité appartient au rêve, à la fiction, c'est la science-fiction.
Lazare de André Malraux
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La corde et les souris (1976)


Les Français ne conçoivent guère le pouvoir ; ce qui leur est familier, c'est l'abus de pouvoir.
André Malraux ; La corde et les souris (1976)
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La mort se lie si fortement à la douleur que l'homme reste stupéfait devant une maladie.
André Malraux ; La corde et les souris (1976)
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L'homme précaire et la littérature (1977)


Il y a des enfants sans état civil, il n'y a pas d'enfant sans mère.
André Malraux ; L'homme précaire et la littérature (1977)
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Ni une doctrine ni un individu, ne suffisent à faire un homme.
L'Homme Précaire et la Littérature de André Malraux
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Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux



Cher Ami,

Faites toutes sortes d'amitiés à Bourotte si cette lettre vous atteint à temps ; et ne manquez pas de faire remarquer à cet (sic) andouille que quand je lui demande une photo de Çiva debout, ce n'est pas une raison pour qu'il m'en envoie une du même personnage assis.

J'attends avec une impatience confiante les cigarettes, le café, et le petit chat égyptien qui ne manquera pas de déchirer tous les rideaux et faciliter, par ces moyens directs et magiques l'incendie rapide de la maison. Madeleine s'inquiète déjà de ne ce qu'il ne pourra se reproduire qu'avec des chattes locales ! Mais les femmes sont généralement obsédées par l'avenir.

Je continue à rêver vaguement d'aller faire un tour dans des pays sur vôtre bateau avant qu'il ne se décide à couler. J'ai l'illusion de terminer la Psychologie de l'Art et l'illusion beaucoup plus délirante que les éditeurs seront capables de le sortir rapidement. Enfin vous en connaîtrez la publication par expérience, puisque vous le recevrez.

Bien amicalement.

( lettre à André Girard, commissaire de bord du courrier français pour le Japon La Marseillaise)
Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux

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On peut exprimer ses idées dans l'abstrait ( directement) ou par parabole. Dans le second cas - Dostoïevski, Stendhal, Gide - et peut-être Shakespeare - la fiction est informée du dedans au lieu de l'être du dehors, et les personnages naissent les uns des autres, comme s'ils n'étaient destinés qu'à incarner des états successifs de la philosophie de l'auteur. On pourrait parler d'une "philosophie" qui s'exprime en exposant son domaine au lieu d'édifier son système. et le récit, alors, n'est plus tout à fait un récit, de même que Hamlet n'est pas tout à fait un drame.. (lettre à un critique)
Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux
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