André Malraux
Discours sur Jean Moulin - 19 décembre
1964
André MALRAUX : Discours
sur Jean Moulin - 19 décembre 1964
Le 19 décembre 1964, par
un jour glacial, les cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon, en
présence du général de Gaulle. Malraux prononce alors un discours resté gravé
dans les mémoires de ceux qui l'entendirent:
Monsieur le président de
la République,
Voilà donc plus de vingt
ans que Jean Moulin partit, par un temps de décembre sans doute semblable à
celui-ci, pour être parachuté sur la terre de Provence, et devenir le chef d'un
peuple de la nuit. Sans la cérémonie d'aujourd'hui, combien d'enfants de France
sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis,
sont nés seize millions d'enfants...
Puissent les commémorations
des deux guerres s'achever par la résurrection du peuple d'ombres que cet homme
anima, qu'il symbolise, et qu'il fait entrer ici comme une humble garde
solennelle autour de son corps de mort. Après vingt ans, la Résistance est
devenue un monde de limbes où la légende se mêle à l'organisation. Le sentiment
profond, organique, millénaire, qui a pris depuis son accent de légende, voici
comment je l'ai rencontré. Dans un village de Corrèze, les Allemands avaient
tué des combattants du maquis, et donné ordre au maire de les faire enterrer en
secret, à l'aube. Il est d'usage, dans cette région, que chaque femme assiste
aux obsèques de tout mort de son village en se tenant sur la tombe de sa propre
famille. Nul ne connaissait ces morts, qui étaient des Alsaciens. Quand ils
atteignirent le cimetière, portés par nos paysans sous la garde menaçante des
mitraillettes allemandes, la nuit qui se retirait comme la mer laissa paraître
les femmes noires de Corrèze, immobiles du haut en bas de la montagne, et
attendant en silence, chacune sur la tombe des siens, l'ensevelissement des
morts français.
Comment organiser cette
fraternité pour en faire un combat ? On sait ce que Jean Moulin pensait de la
Résistance, au moment où il partit pour Londres : « Il serait fou et criminel
de ne pas utiliser, en cas d'action alliée sur le continent, ces troupes prêtes
aux sacrifices les plus grands, éparses et anarchiques aujourd'hui, mais
pouvant constituer demain une armée cohérente de parachutistes déjà en place,
connaissant les lieux, ayant choisi leur adversaire et déterminé leur objectif.
» C'était bien l'opinion du général de Gaulle. Néanmoins, lorsque, le 1 janvier
1942, Jean Moulin fut parachuté en France, la Résistance n'était encore qu'un
désordre de courage : une presse clandestine, une source d'informations, une
conspiration pour rassembler ces troupes qui n'existaient pas encore. Or, ces
informations étaient destinées à tel ou tel allié, ces troupes se lèveraient
lorsque les Alliés débarqueraient. Certes, les résistants étaient des
combattants fidèles aux Alliés. Mais ils voulaient cesser d'être des Français
résistants, et devenir la Résistance française.
C'est pourquoi Jean
Moulin est allé à Londres. Pas seulement parce que s'y trouvaient des
combattants français (qui eussent pu n'être qu'une légion), pas seulement parce
qu'une partie de l'empire avait rallié la France libre. S'il venait demander au
général de Gaulle de l'argent et des armes, il venait aussi lui demander « une
approbation morale, des liaisons fréquentes, rapides et sûres avec lui ». Le
Général assumait alors le Non du premier jour ; le maintien du combat, quel
qu'en fût le lieu, quelle qu'en fût la forme ; enfin, le destin de la France.
La force des appels de juin 40 tenait moins aux « forces immenses qui n'avaient
pas encore donné », qu'à : « Il faut que la France soit présente à la victoire.
Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. » La France, et non telle
légion de combattants français. C'était par la France libre que les résistants
de Bir Hakeim se conjuguaient, formaient une France combattante restée au
combat. Chaque groupe de résistants pouvait se légitimer par l'allié qui l'armait
et le soutenait, voire par son seul courage ; le général de Gaulle seul pouvait
appeler les mouvements de Résistance à l'union entre eux et avec tous les
autres combats, car c'était à travers lui seul que la France livrait un seul
combat. C'est pourquoi - même lorsque le président Roosevelt croira assister à
une rivalité de généraux ou de partis - l'armée d'Afrique, depuis la Provence
jusqu'aux Vosges, combattra au nom du gaullisme comme feront les troupes du
Parti communiste. C'est pourquoi Jean Moulin avait emporté, dans le double fond
d'une boîte d'allumettes, la microphoto du très simple ordre suivant : « M.
Moulin a pour mission de réaliser, dans la zone non directement occupée de la
métropole, l'unité d'action de tous les éléments qui résistent à l'ennemi et à
ses collaborateurs. » Inépuisablement, il montre aux chefs des groupements le
danger qu'entraîne le déchirement de la Résistance entre des tuteurs
différents. Chaque événement capital - entrée en guerre de la Russie, puis des
États-Unis, débarquement en Afrique du Nord - renforce sa position. A partir du
débarquement, il apparaît que la France va redevenir un théâtre d'opérations.
Mais la presse clandestine, les renseignements (même enrichis par l'action du
noyautage des administrations publiques) sont à l'échelle de l'Occupation, non
de la guerre. Si la Résistance sait qu'elle ne délivrera pas la France sans les
Alliés, elle n'ignore plus l'aide militaire que son unité pourrait leur
apporter. Elle a peu à peu appris que s'il est relativement facile de faire
sauter un pont, il n'est pas moins facile de le réparer ; alors que s'il est
facile à la Résistance de faire sauter deux cents ponts, il est difficile aux
Allemands de les réparer à la fois. En un mot, elle sait qu'une aide efficace
aux armées de débarquement est inséparable d'un plan d'ensemble. Il faut que
sur toutes les routes, sur toutes les voies ferrées de France, les combattants
clandestins désorganisent méthodiquement la concentration des divisions
cuirassées allemandes. Et un tel plan d'ensemble ne peut être conçu, et
exécuté, que par l'unité de la Résistance.
C'est à quoi Jean Moulin
s'emploie jour après jour, peine après peine, un mouvement de Résistance après
l'autre : « Et maintenant, essayons de calmer les colères d'en face... » Il y
a, inévitablement, des problèmes de personnes ; et bien davantage, la misère de
la France combattante, l'exaspérante certitude pour chaque maquis ou chaque
groupe franc, d'être spolié au bénéfice d'un autre maquis ou d'un autre groupe,
qu'indignent, au même moment, les mêmes illusions... Qui donc sait encore ce
qu'il fallut d'acharnement pour parler le même langage à des instituteurs
radicaux ou réactionnaires, des officiers réactionnaires ou libéraux, des
trotskistes ou communistes retour de Moscou, tous promis à la même délivrance
ou à la même prison ; ce qu'il fallut de rigueur à un ami de la République
espagnole, à un ancien « préfet de gauche », chassé par Vichy, pour exiger
d'accueillir dans le combat commun tels rescapés de la Cagoule !
Jean Moulin n'a nul
besoin d'une gloire usurpée : ce n'est pas lui qui a créé Combat, Libération,
Franc-tireur, c'est Frenay, d'Astier, Jean-Pierre Lévy. Ce n'est pas lui qui a
créé les nombreux mouvements de la zone Nord dont l'histoire recueillera tous
les noms. Ce n'est pas lui qui a fait les régiments mais c'est lui qui a fait
l'armée. Il a été le Carnot de la Résistance.
Attribuer peu
d'importance aux opinions dites politiques, lorsque la nation est en péril de
mort - la nation, non pas un nationalisme alors écrasé sous les chars
hitlériens, mais la donnée invincible et mystérieuse qui allait emplir le
siècle ; penser qu'elle dominerait bientôt les doctrines totalitaires dont
retentissait l'Europe ; voir dans l'unité de la Résistance le moyen capital du
combat pour l'unité de la nation, c'était peut-être affirmer ce qu'on a,
depuis, appelé le gaullisme. C'était certainement proclamer la survie de la
France.
En février, ce laïc
passionné avait établi sa liaison par radio avec Londres, dans le grenier d'un
presbytère. En avril, le Service d'information et de propagande, puis le Comité
général d'études étaient formés ; en septembre, le noyautage des
administrations publiques. Enfin, le général de Gaulle décidait la création
d'un Comité de coordination que présiderait Jean Moulin, assisté du chef de
l'Armée secrète unifiée. La préhistoire avait pris fin. Coordonnateur de la Résistance
en zone Sud, Jean Moulin en devenait le chef. En janvier 1943, le Comité
directeur des Mouvements unis de la Résistance (ce que, jusqu'à la Libération,
nous appellerions les Murs) était créé sous sa présidence. En février, il
repartait pour Londres avec le général Delestraint, chef de l'Armée secrète, et
Jacques Dalsace. De ce séjour, le témoignage le plus émouvant a été donné par
le colonel Passy. « Je revois Moulin, blême, saisi par l'émotion qui nous
étreignait tous, se tenant à quelques pas devant le Général et celui-ci disant,
presque à voix basse : "Mettez-vous au garde-à-vous", puis :
"Nous vous reconnaissons comme notre compagnon, pour la libération de la
France, dans l'honneur et par la victoire". Et pendant que de Gaulle lui
donnait l'accolade, une larme, lourde de reconnaissance, de fierté, et de
farouche volonté, coulait doucement le long de la joue pâle de notre camarade
Moulin. Comme il avait la tête levée, nous pouvions voir encore, au travers de
sa gorge, les traces du coup de rasoir qu'il s'était donné, en 1940, pour
éviter de céder sous les tortures de l'ennemi. » Les tortures de l'ennemi... En
mars, chargé de constituer et de présider le Conseil national de la Résistance,
Jean Moulin monte dans l'avion qui va le parachuter au nord de Roanne.
Ce Conseil national de la
Résistance, qui groupe les mouvements, les partis et les syndicats de toute la
France, c'est l'unité précairement conquise, mais aussi la certitude qu'au jour
du débarquement, I'armée en haillons de la Résistance attendra les divisions
blindées de la Libération.
Jean Moulin en retrouve
les membres, qu'il rassemblera si difficilement. Il retrouve aussi une
Résistance tragiquement transformée. Jusque-là, elle avait combattu comme une
armée, en face de la victoire, de la mort ou de la captivité. Elle commence à
découvrir l'univers concentrationnaire, la certitude de la torture. C'est alors
qu'elle commence à combattre en face de l'enfer. Ayant reçu un rapport sur les
camps de concentration, il dit à son agent de liaison, Suzette Olivier : «
J'espère qu'ils nous fusillerons avant. » Ils ne devaient pas avoir besoin de
le fusiller.
La Résistance grandit,
les réfractaires du travail obligatoire vont bientôt emplir nos maquis ; la
Gestapo grandit aussi, la Milice est partout. C'est le temps où, dans la
campagne, nous interrogeons les aboiements des chiens au fond de la nuit ; le
temps où les parachutes multicolores, chargés d'armes et de cigarettes, tombent
du ciel dans la lueur des feux des clairières ou des causses ; le temps des caves,
et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d'enfants...
La grande lutte des ténèbres a commencé.
Le 27 mai 1943, a lieu à
Paris, rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance.
Jean Moulin rappelle les
buts de la France libre : « Faire la guerre ; rendre la parole au peuple
français ; rétablir les libertés républicaines dans un Etat d'où la justice
sociale ne sera pas exclue et qui aura le sens de la grandeur ; travailler avec
les Alliés à l'établissement d'une collaboration internationale réelle sur le
plan économique et social, dans un monde où la France aura regagné son
prestige. »
Puis il donne lecture
d'un message du général de Gaulle, qui fixe pour premier but au premier Conseil
de la Résistance, le maintien de l'unité de cette Résistance qu'il représente.
Au péril quotidien de la
vie de chacun de ses membres. Le 9 juin, le général Delestraint, chef de
l'Armée secrète enfin unifiée, est pris à Paris.
Aucun successeur ne
s'impose. Ce qui est fréquent dans la clandestinité : Jean Moulin aura dit
maintes fois avant l'arrivée de Serreules : « Si j'étais pris, je n'aurais pas
même eu le temps de mettre un adjoint au courant... » Il veut donc désigner ce
successeur avec l'accord des mouvements, notamment de ceux de la zone Sud. Il
rencontrera leurs délégués le 21, à Caluire.
Ils l'y attendent, en
effet.
La Gestapo aussi.
La trahison joue son rôle
- et le destin, qui veut qu'aux trois quarts d'heure de retard de Jean Moulin,
presque toujours ponctuel, corresponde un long retard de la police allemande.
Assez vite, celle-ci apprend qu'elle tient le chef de la Résistance.
En vain. Le jour où, au
fort Montluc à Lyon, après l'avoir fait torturer, l'agent de la Gestapo lui
tend de quoi écrire puisqu'il ne peut plus parler, Jean Moulin dessine la
caricature de son bourreau. Pour la terrible suite, écoutons seulement les mots
si simples de sa soeur : « Son rôle est joué, et son calvaire commence. Bafoué,
sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les
limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les
savait tous. »
Comprenons bien que,
pendant les quelques jours où il pourrait encore parler ou écrire, le destin de
la Résistance est suspendu au courage de cet homme. Comme le dit M Moulin, il
savait tout.
Georges Bidault prendra
sa succession. Mais voici la victoire de ce silence atrocement payé : le destin
bascule. Chef de la Résistance martyrisé dans des caves hideuses, regarde de
tes yeux disparus toutes ces femmes noires qui veillent nos compagnons : elles
portent le deuil de la France, et le tien. Regarde glisser sous les chênes
nains du Quercy, avec un drapeau fait de mousselines nouées, les maquis que la
Gestapo ne trouvera jamais parce qu'elle ne croit qu'aux grands arbres. Regarde
le prisonnier qui entre dans une villa luxueuse et se demande pourquoi on lui
donne une salle de bains - il n'a pas encore entendu parler de la baignoire.
Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit
de juin constellée de tortures.
Voici le fracas des chars
allemands qui remontent vers la Normandie à travers les longues plaintes des
bestiaux réveillés : grâce à toi, les chars n'arriveront pas à temps. Et quand
la trouée des Alliés commence, regarde, préfet, surgir dans toutes les villes
de France les commissaires de la République - sauf lorsqu'on les a tués. Tu as
envié, comme nous, les clochards épiques de Leclerc : regarde, combattant, tes
clochards sortir à quatre pattes de leurs maquis de chênes, et arrêter avec
leurs mains paysannes formées aux bazookas l'une des premières divisions
cuirassées de l'empire hitlérien, la division Das Reich.
Comme Leclerc entra aux
Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique et les
combats d'Alsace, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux
qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est
peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus
des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses
files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille
Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à
Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né
de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit... Commémorant l'anniversaire de la Libération
de Paris, je disais : « Ecoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches
d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu,
cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi. »
L'hommage d'aujourd'hui
n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que
j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le
brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des
tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de
Rundstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Ecoute aujourd'hui, jeunesse de
France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des
cendres que voici. A côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de
celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la
Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées.
Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché
tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui
n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France...
(19 décembre 1964.)
Quotes,
Citations, Zitate
… On a mis un demi-soldat dans un demi-char et le résultat ne s’est pas
fait attendre.
André Malraux
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*
L'essentiel est à mes yeux ceci : aimer un être n'est pas le tenir pour merveilleux,
c'est le tenir pour nécessaire.
André Malraux
André Malraux
*
Juger, c’est évidemment ne pas comprendre, puisque, si l’on comprenait, on
ne pourrait plus juger.
André Malraux
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*
La culture… ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de la
nature.
André Malraux
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*
La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert.
André Malraux
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*
La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache.
André Malraux
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*
On ne voit vieillir que les autres.
André Malraux
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*
Pour l’essentiel, l’homme est ce qu’il cache : un misérable petit tas de
secrets.
Ne faites jamais semblant que vous avez lu un livre quand ce n’est pas
vrai. De toutes les façons, on ne peut pas tout lire. Il ne faut lire que ce
dont on a envie. Le reste n’a pas d’importance.
André Malraux
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*
Si l'on y réfléchit bien, le Christ est le seul anarchiste qui ait vraiment
réussi.
André Malraux
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*
Il est temps d'en finir avec le mensonge...Voyez par exemple le journal des
Goncourt : parfois ils écrivent dix-huit pages sur un dîner avec leurs copains
au restaurant Magny. Comment voulez-vous que les invités aient prononcé très
exactement les mots qu'on leur fait dire ? Non, soyons sérieux ; on se souvient
de l'essentiel et pour le reste on improvise.
André Malraux
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*
Le talent c'est de raccrocher dans la couleur.
André Malraux
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*
A quoi bon aller dans la lune, si c'est pour s'y suicider ?
André Malraux
André Malraux
*
"La culture... ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de
l'univers
André Malraux
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*
L'art est la seule chose qui résiste à la mort.
André Malraux
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*
“La vraie barbarie, c'est Dachau ; la vraie civilisation, c'est d'abord la
part de l'homme que les camps ont voulu détruire.”
André Malraux
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*
Le monde aurait pu être simple comme le ciel et la mer.
André Malraux
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*
L'art, c'est le plus court chemin de l'Homme à l'Homme.
André Malraux
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*
L'homme ne se construit qu'en poursuivant ce qui le dépasse.
André Malraux
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*
En face de l'inconnu, certains de nos rêves n'ont pas moins de
signification que nos souvenirs.
André Malraux
André Malraux
*
Une civilisation me paraît se définir à la fois par des questions qu'elle
pose et par celles qu'elle ne pose pas.
André Malraux
André Malraux
*
La
tentation de l'Occident (1926)
… La beauté d'une femme ne sera jamais une promesse de plaisir sentimental.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
*
Une femme vous touche par ce qu'elle a d'unique.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
*
Connaître le monde n'est pas en faire un système, c'est en prendre une
conscience intense.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
*
Quiconque se laisse diriger par l'esprit ne vivra plus que pour lui et par
lui.
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
André Malraux ; La tentation de l'Occident (1926)
*
Les
conquérants (1928)
Juger, c'est de toute évidence, ne pas comprendre ; si l'on comprenait, on
ne pourrait plus juger.
André Malraux ; Les conquérants (1928)
André Malraux ; Les conquérants (1928)
*
Je les préfère [les pauvres], mais uniquement parce qu'ils sont des
vaincus. Oui, ils ont, dans l’ensemble, plus de cœur, plus d'humanité que les
autres : vertus de vaincus. Mais je sais très bien qu'ils deviendraient
abjects, dès que nous aurions triomphé ensemble…
André Malraux ; Les conquérants (1928)
André Malraux ; Les conquérants (1928)
*
Juger, c'est de toute évidence ne pas comprendre puisque, si l'on
comprenait, on ne pourrait plus juger.
Les conquérants - André Malraux
Les conquérants - André Malraux
*
La voie
royale (1930)
La jeunesse est une religion dont il faut toujours finir par se convertir.
André Malraux ; La voie royale (1930)
André Malraux ; La voie royale (1930)
*
Un homme qui pense au sexe comme au complément d'une femme est mûr pour l'amour.
André Malraux ; La voie royale (1930)
André Malraux ; La voie royale (1930)
*
La vie est une matière, il s'agit de savoir ce qu'on en fait, bien qu'on
n'en fasse jamais rien.
André Malraux ; La voie royale (1930)
André Malraux ; La voie royale (1930)
*
Depuis quatre jours, la forêt.
Depuis quatre jours, campements près des villages nés d'elle comme leurs
bouddhas de bois, comme le chaume de palmes de leurs huttes sorties du sol mou
en monstrueux insectes ; décomposition de l'esprit dans cette lumière
d'aquarium, d'une épaisseur d'eau. Ils avaient rencontré déjà des petits
monuments écrasés, aux pierres si serrées par les racines qui les fixaient au
sol comme des pattes qu'ils ne semblaient plus avoir été élevés par des hommes
mais par des êtres disparus habitués à cette vie sans horizon, à ces ténèbres
marines. Décomposée par les siècles, la Voie ne montrait sa présence que par
ces masses minérales pourries, avec les deux yeux de quelque crapaud immobile
dans un angle des pierres. Promesses ou refus, ces monuments abandonnés par la
forêt comme des squelettes ? La caravane allait-elle enfin atteindre le temple
sculpté vers quoi la guidait l'adolescent qui fumait sans discontinuer les
cigarettes de Perken ? Ils auraient dû être arrivés depuis trois heures… La
forêt et la chaleur étaient pourtant plus fortes que l'inquiétude : Claude
sombrait comme dans une maladie dans cette fermentation où les formes se
gonflaient, s'allongeaient, pourrissait hors du monde dans lequel l'homme
compte, qui le séparait de lui-même avec la force de l'obscurité. Et partout,
les insectes.
La Voie Royale de André Malraux
La Voie Royale de André Malraux
*
Ce n'est pas pour mourir que je pense à ma mort, c'est pour vivre.
La Voie Royale de André Malraux
La Voie Royale de André Malraux
*
La
condition humaine (1933)
Il faut toujours s'intoxiquer : ce pays a l'opium, l'Islam le haschich,
l'Occident la femme.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Les hommes sont la vermine de la terre.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
"Vous tenez à vivre?
-Ca dépend comment.
-On peut mourir aussi de diverses façons.
-On n'a pas le choix..
-Vous croyez qu'on choisit toujours sa façon de vivre?"
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
La charité ne suffit pas toujours à épuiser l'angoisse.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
Le sentiment positif, la réalité, c'est l'angoisse d'être toujours étranger
à ce qu'on aime.
André Malraux ; La condition humaine (Prix Goncourt) (1933)
André Malraux ; La condition humaine (Prix Goncourt) (1933)
*
Un homme est la somme de ses actes, de ce qu'il fait, de ce qu'il peut
faire. Rien d'autre.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
On ne connaît jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu'on
l'ignore.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Le ridicule appelle le sang : on ne se venge vite que sur les corps.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Aucune chose n'est sans importance pour un homme dès qu'il y engage son
orgueil.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Exprimer sa souffrance délivre.
André Malraux ; La condition humaine (1933)
André Malraux ; La condition humaine (1933)
*
Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie.
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me
jugent ; mes semblables, ce sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui
m'aiment contre tout, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse,
contre la trahison, moi, et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeraient
tant que je m'aimerais moi-même -jusqu'au suicide, compris....
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
On peut tromper la vie longtemps, mais elle finit toujours par faire de
nous ce pour quoi nous sommes faits. Tout vieillard est un aveu, allez, et si
tant de vieillesses sont vides, c'est que tant d'hommes l'étaient et le
cachaient.
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
On ne possède d'un être que ce qu'on change en lui.
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
La pire souffrance est dans la solitude qui l'accompagne.
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
D'ailleurs , les hommes sont peut-être indifférents au pouvoir...Ce qui les
fascine dans cette idée, voyez-vous, ce n'est pas le pouvoir réel, c'est
l'illusion du bon plaisir. Le pouvoir du roi, c'est de gouverner, n'est-ce pas?
Mais, l'homme n'a pas envie de gouverner: il a envie de contraindre, vous
l'avez dit. D'être plus qu' homme, dans un monde d'hommes. Échapper à la
condition humaine, vous disais-je. Non pas puissant: tout-puissant. La maladie
chimérique, dont la volonté de puissance n'est que la justification
intellectuelle, c'est la volonté de déité: tout homme rêve d'être dieu.(page
229)
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
Il n'aspire à aucune gloire, à aucun bonheur. Capable de vaincre, mais non
de vivre dans la victoire, que peut-il appeler, sinon la mort ? Sans doute
veut-il lui donner le sens que d'autres donnent à la vie. Mourir le plus haut
possible. Ame d'ambitieux, assez lucide, assez séparé des hommes ou assez
malade pour mépriser tous les objets de son ambition, et son ambition même ?
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
- Vous connaissez la phrase : "Il faut neuf mois pour faire un homme,
et un seul jour pour le tuer". Nous l'avons su autant qu'on peut le savoir
l'un et l'autre... May, écoutez: il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans
pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de... de tant de
choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de
l'enfance, ni de l'adolescence, quand, vraiment, il est homme, il n'est plus
bon qu'à mourir. (p. 337)
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
Vous mourrez, cher, sans vous être douté qu'une femme est un être humain...
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
Toi qui t’imagines si bien tant de choses, qu’attends-tu pour t’imaginer
que tu es heureux ?
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
L'odeur des cadavres de la ville chinoise passa, avec le vent qui se levait
à nouveau. Clappique dut faire effort pour respirer : l'angoisse revenait. Il
supportait plus facilement l'idée de la mort que son odeur.
André Malraux - La Condition Humaine
André Malraux - La Condition Humaine
*
Que faire d'une âme, s'il n'y a ni Dieu ni Christ ?
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Je n'aime pas l'humanité qui est faite de la contemplation de la
souffrance.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
"Rouges ou bleus, disait Ferral, les coolies n'en seront pas moins
coolies ; à moins qu'ils n'en soient morts. Ne trouvez-vous pas d'une stupidité
caractéristique de l'espèce humaine qu'un homme qui n'a qu'une vie puisse la
perdre pour une idée?
- Il est très rare qu'un homme puisse supporter, comment dirais-je? sa
condition d'homme..."
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
La réalité, c'est l'angoisse d'être étranger à ce qu'on aime p.226
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Non, les hommes n'existaient pas, puisqu'il suffit d'un costume pour
échapper à soi-même, pour trouver une autre vie dans les yeux des autres.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Les émeutiers partirent, tous armés cette fois : inutile d'occuper les
petits postes de police désarmés. Les policiers hésitèrent. Trois se levèrent
et voulurent les suivre. (Peut-être pillerait-on...) Tchen eut peine à se
débarrasser d'eux. Les autres ramassèrent les cartes et recommencèrent à jouer.
« S'ils sont vainqueurs, dit l'un, peut-être serons-nous payés ce mois-ci ?
— Peut-être... » répondit le sous-officier. Il distribua les cartes.
« Mais s'ils sont battus, peut-être dira-t-on que nous avons trahi ?
— Qu'aurions-nous pu faire ? Nous avons cédé à la force. Nous sommes tous
témoins que nous n'avons pas trahi. »
Ils réfléchissaient, le cou rentré, cormorans écrasés par la pensée.
« Nous ne sommes pas responsables », dit l'un.
Tous approuvèrent. Ils se levèrent pourtant et allèrent poursuivre leur jeu
dans une boutique voisine, dont le propriétaire n'osa pas les chasser. Un tas
d'uniformes resta seul au milieu du poste.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Il n'y a rien de plus prenant chez un homme que l'union de la force et de la
faiblesse
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
L'humanité était épaisse et lourde, lourde de chair, de sang, de souffrance,
éternellement collée à elle-même comme tout ce qui meurt ; mais même le sang,
même la chair, même la douleur, même la mort se résorbaient là-haut dans la
lumière comme la musique dans la nuit silencieuse.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
(...) il mourrait parmi ceux avec qui il aurait voulu vivre ; il mourrait,
comme chacun de ces hommes couchés, pour avoir donné un sens à sa vie. Qu'eût
valu une vie pour laquelle il n'eût pas accepté de mourir ?
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
On peut tromper la vie longtemps, mais elle finit toujours par faire de
nous ce pour quoi nous sommes faits. Tout vieillard est un aveu, allez, et si
tant de vieillesses sont vides, c'est que tant d'hommes l'étaient et le
cachaient.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Ses idées l'avaient fait vivre ; maintenant, elles allaient le tuer.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ?
L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais
n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas
de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une
ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant
quand même — de la chair d'homme.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Il n'y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille
douze heures par jour sans savoir pourquoi il travaille.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
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Il est beau de mourir de sa mort, d'une mort qui ressemble à sa vie
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Ils s'étaient alignés de nouveau, au bord de la fosse cette fois, face aux
mitrailleuses, clairs sur la neige : chair et chemises. Saisis par le froid,
ils éternuaient sans arrêt, les uns après les autres, et ces éternuements
étaient si intensément humains, dans cette aube d'exécution, que les mitrailleurs,
au lieu de tirer, avaient attendu - attendu que la vie fût moins indiscrète.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
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L'humanité était épaisse et lourde, lourde de chair, de sang, de
souffrance, éternellement collée à elle-même comme tout ce qui meurt.
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme,
soixante ans de sacrifices, de volonté, de… de tant de choses ! Et quand cet
homme est fait, quand il n'y a plus en lui rien de l'enfance, ni de l'adolescence,
quand vraiment, il est homme, il n'est plus bon qu'à mourir
André Malraux ; La Condition Humaine
André Malraux ; La Condition Humaine
*
Croyez-vous que toute vie réellement religieuse ne soit pas une conversion
chaque jour ?
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Etrange sensation que l'angoisse : on sent au rythme de son coeur qu'on
respire mal, comme si l'on respirait avec le coeur..."
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
" Mon amour ", murmurait-elle, comme elle eût dit " ma chair
", sachant bien que c'était quelque chose d'elle-même, non d'étranger, qui
lui était arraché ; " ma vie... "
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Lentement empli du long cri d'une sirène, le vent qui apportait la rumeur
presque éteinte de la ville en état de siège et le sifflet des vedettes qui
rejoignaient les bateaux de guerre, passa sur les ampoules misérables allumées
au fond des impasses et des ruelles ; autour d'elles, des murs en décomposition
sortaient de l'ombre déserte, révélés avec toutes leurs taches par cette
lumière que rien ne faisait vaciller et d'où semblaient émaner une sordide
éternité. Cachés par ces murs, un demi-million d'hommes : ceux des filatures,
ceux qui travaillaient seize heures par jour depuis l'enfance, le peuple de
l'ulcère, de la scoliose, de la famine. Les verres qui protégeaient les
ampoules se brouillèrent et, en quelques minutes, la grande pluie de Chine,
furieuse, précipitée, prit possession de la ville.
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
« Tous souffrent, songea-t-il, et chacun souffre parce qu'il pense. Tout au
fond, l'esprit ne pense l'homme que dans l'éternel, et la conscience de la vie
ne peut être qu'angoisse. Il ne faut pas penser la vie avec l'esprit, mais avec
l'opium. Que de souffrances éparses dans cette lumière disparaîtraient, si
disparaissait la pensée... » Libéré de tout, même d'être homme, il caressait
avec reconnaissance le tuyau de sa pipe, contemplant l'agitation de tous ces
êtres inconnus qui marchaient vers la mort dans l'éblouissant soleil, chacun
choyant au plus secret de soi-même son parasite meurtrier. « Tout homme est fou,
pensa-t-il encore, mais qu'est une destinée humaine sinon une vie d'efforts
pour unir ce fou et l'univers... » Il revit Ferral, éclairé par la lampe basse
sur la nuit pleine de brume, écoutant : « Tout homme rêve d'être dieu... »
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
… j'aime mieux être nourri en prison que mourrir de faim en liberté...
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Tout au fond l'esprit ne pense l'homme que dans l'éternel, et la conscience
de la vie ne peut être qu'angoisse.
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
« Allô ? Allô, oui.
— ...
— Il vous tend une perche pour vous assommer avec. Il est hostile à
l'intervention, c'est acquis. Il ne s'agit que de savoir s'il vaut mieux
l'attaquer comme pédéraste ou affirmer qu'il est payé. C'est tout.
— ...
— Etant bien entendu qu'il n'est ni l'un ni l'autre. Au surplus, je n'aime
pas qu'un de mes collaborateurs me croie capable d'attaque un homme sur une
tare sexuelle qu'il présenterait réellement. Me prenez-vous pour un moraliste ?
Au revoir. »
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Il faut toujours s'intoxiquer : ce pays a l'opium, l'Occident la
femme...Peut-être l'amour est-il surtout le moyen qu'emploie l'Occidental pour
s'affranchir de sa condition d'homme...
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Ferral aimait les animaux, comme tous ceux dont l'orgueil est trop grand
pour s'accommoder des hommes ; les chats surtout.
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
En somme il ne couchait jamais qu'avec lui-même, mais il ne pouvait y
parvenir qu'à la condition de ne pas être seul.
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Il n'y a rien de plus prenant chez un homme que l'union de la force et de
la faiblesse.
La Condition Humaine de André Malraux
La Condition Humaine de André Malraux
*
Journal
Le Monde, le 27 juin 1935.
Etre un homme, c'est réduire sa part de comédie.
André Malraux ; Journal Le Monde, le 27 juin 1935.
André Malraux ; Journal Le Monde, le 27 juin 1935.
*
Le temps
du mépris (1935)
Le mépris des hommes est fréquent chez les politiques, mais confidentiel.
André Malraux ; Le temps du mépris (1935)
André Malraux ; Le temps du mépris (1935)
*
L'espoir
(1937)
La mort n'est pas une chose si sérieuse ; la douleur, oui.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
Il y a toujours quelque chose de hideux dans la colère ; plus encore dans
celle de l'ivresse.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
La force d'un penseur n'est ni dans son approbation ni dans sa
protestation, elle est dans son explication.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
Pour parler d'amour aux amoureux, il faut avoir été amoureux.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
Il y a des guerres justes ; il n'y a pas d'armée juste.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
Il n'y a pas de héros sans auditoire.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
J’ai vu les démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les
fascismes.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
La mort n'est pas une chose si sérieuse : la douleur, oui…
… L'art est peu de chose en face de la douleur et, malheureusement, aucun
tableau ne tient en face des taches de sang.
André Malraux ; L'espoir (1937)
André Malraux ; L'espoir (1937)
*
J’appelle révolution la conséquence d’une insurrection dirigée par des
cadres (politiques, techniques, tout ce que vous voudrez) formés dans la lutte,
susceptibles de remplacer rapidement ceux qu’ils détruisent.
L'Espoir de André Malraux
L'Espoir de André Malraux
*
Etrange force du feu : montant et descendant avec un rythme de forge, il
semble brûler sur tous les morts de la journée, épandre sur la folie des hommes
la nuit qui monte.
L'Espoir de André Malraux
L'Espoir de André Malraux
*
Ce qu’il y a de bien dans ton projet, […] c’est que tu es un idiot. Je
n’aime que les idiots. Ce qu’on appelait autrefois l’innocence. Tous les gens
ont de trop grosses têtes, ils ne savent rien faire avec. Tous ces types sont
des idiots comme nous…
L'Espoir de André Malraux
L'Espoir de André Malraux
*
Autrefois, les nôtres étaient disciplinés parce qu’ils étaient communistes.
Maintenant, beaucoup deviennent communistes parce qu’ils sont disciplinés.
L'Espoir de André Malraux
L'Espoir de André Malraux
*
Le grand intellectuel est l'homme de la nuance, du degré, de la qualité, de
la vérité en soi, de la complexité. Il est par définition, par essence, antimanichéen.
Or, les moyens de l'action sont manichéens parce que toute action est
manichéenne. A l'état aigu dès qu'elle touche les masses ; mais même si elle ne
les touche pas. Tout vrai révolutionnaire est un manichéen-né. Et tout
politique.
L'Espoir de André Malraux
L'Espoir de André Malraux
*
Le soir sans soleil couchant et sans autre vie que celle du feu, comme si
Madrid eût été portée par une planète morte, faisait de cette fin de journée un
retour aux éléments. Tout ce qui était humain disparaissait dans la brume de
novembre crevée d'obus et roussie de flammes.
L'Espoir de André Malraux
L'Espoir de André Malraux
*
Les
noyers de l'Altenburg (1943)
L'homme est ce qu'il fait.
André Malraux ; Les noyers de l'Altenburg (1943)
André Malraux ; Les noyers de l'Altenburg (1943)
*
La lutte
avec l'ange (1945)
La culture ne nous enseigne pas l'homme, elle nous enseigne tout
modestement l'homme cultivé.
André Malraux ; La lutte avec l'ange (1945)
André Malraux ; La lutte avec l'ange (1945)
*
Le démon
de l'absolu (1946)
Toute angoisse cherche son extase ; et, à défaut d'extase, son exaltation.
André Malraux ; Le démon de l'absolu (1946)
André Malraux ; Le démon de l'absolu (1946)
*
Teils
(1947)
On ne connaît jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu'on
l'ignore.
André Malraux ; Teils (1947)
André Malraux ; Teils (1947)
*
Connaître par l'intelligence, c'est la tentation vaine de se passer du
temps.
André Malraux ; Teils (1947)
André Malraux ; Teils (1947)
*
La seule chose nécessaire est de ne pas être seul.
André Malraux ; Teils (1947)
André Malraux ; Teils (1947)
*
Paroles
et écrits politiques (1947-1972)
La jeunesse attire les démagogues comme le miel attire les mouches.
André Malraux ; Paroles et écrits politiques (1947-1972)
André Malraux ; Paroles et écrits politiques (1947-1972)
*
La culture n'est pas une accumulation des valeurs du passé, elle en est
l'héritage conquis.
André Malraux ; Paroles et écrits politiques (1947-1972)
André Malraux ; Paroles et écrits politiques (1947-1972)
*
Saturne
(1950-1978)
Le rire peut exprimer l'angoisse du condamné mieux que les larmes.
André Malraux ; Saturne (1950-1978)
André Malraux ; Saturne (1950-1978)
*
La
psychologie de l'art (1951)
La postérité, c'est la reconnaissance des hommes pour les victoires qui
leur semblent promettre la leur.
André Malraux ; La psychologie de l'art (1951)
André Malraux ; La psychologie de l'art (1951)
*
Les voix
du silence(1951)
L'ombre parée de Versailles nous cache son âme ravagée.
André Malraux – Les voix du silence
André Malraux – Les voix du silence
*
La
métamorphose des dieux (1957)
L'amour de la mère est le seul amour invincible, éternel comme la
naissance.
André Malraux ; La métamorphose des dieux (1957)
André Malraux ; La métamorphose des dieux (1957)
*
Le seul domaine où le divin soit visible est l'art.
André Malraux ; La métamorphose des dieux (1957)
André Malraux ; La métamorphose des dieux (1957)
*
Oraisons
funèbres (1958-1965)
Le tombeau des héros est le cœur des vivants.
André Malraux ; Oraisons funèbres (1958-1965)
André Malraux ; Oraisons funèbres (1958-1965)
*
Antimémoires
(1967)
Le courage vaut ce que vaut l'homme.
André Malraux ; Antimémoires (1967)
André Malraux ; Antimémoires (1967)
*
La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache.
André Malraux ; Antimémoires (1967)
André Malraux ; Antimémoires (1967)
*
Le monde de l'art n'est pas celui de l'immortalité, c'est celui de la
métamorphose.
André Malraux ; Antimémoires (1967)
André Malraux ; Antimémoires (1967)
*
— Rien de plus mystérieux que la métamorphose d'une biographie en vie
légendaire, mon général. Pourquoi César est-il l'une des plus grandes figures
de l'Occident ? Des victoires importantes mais non capitales, un grand
gouvernement romain parmi d'autres… Mais il y a eu Plutarque. Et Shakespeare.
André Malraux - Le Miroir des Limbes : I. Antimémoires, II. La Corde et les Souris
André Malraux - Le Miroir des Limbes : I. Antimémoires, II. La Corde et les Souris
*
Le XXIème siècle sera spiritualiste... ou ne sera pas
Antimémoires de André Malraux
Antimémoires de André Malraux
*
Le démon aime les collectivités, plus encore les assemblées, la grandeur
aussi.
Antimémoires de André Malraux
Antimémoires de André Malraux
*
- Vous confessez depuis combien de temps?
-Une quinzaine d'années...
-Qu'est-ce que la confession vous a enseigné des hommes ?
-Vous savez, la confession n'apprend rien, parce que dès que l'on confesse,
on est un autre, il y a la Grâce. Et pourtant... D'abord, les gens sont
beaucoup plus malheureux qu'on ne croit...et puis...
Il leva ses bras de bûcheron dans la nuit pleine d'étoiles :
"Et puis, le fond de tout, c'est qu'il n'y a pas de grandes
personnes..."
Il est mort aux Glières.
Antimémoires de André Malraux
Antimémoires de André Malraux
*
Presque tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste
la mienne
Antimémoires de André Malraux
Antimémoires de André Malraux
*
Le
triangle noir (1970)
Une femme abandonnée par son amant fera coucher n'importe qui avec la fiancée
de celui-ci, pour qu'il soit trompé avant même son mariage.
André Malraux ; Le triangle noir (1970)
André Malraux ; Le triangle noir (1970)
*
Les
chênes qu'on abat (1971)
On ne voit vieillir que les autres.
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
*
S'en prendre à quelqu'un est toujours une faiblesse.
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
*
Oh ! Quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu'on abat pour le bûcher d'Hercule
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
Les chênes qu'on abat pour le bûcher d'Hercule
André Malraux ; Les chênes qu'on abat (1971)
*
Vous aviez raison de dire : quand on passe par Montoire, on finit par
Sigmaringen. Il ne faut jamais passer par Montoire.
Les chênes qu'on abat... de André Malraux
Les chênes qu'on abat... de André Malraux
*
Les Français ont été sublimes, ils ne le savaient pas ; ils sont redevenus
médiocres, ils ne le croient pas.
Les chênes qu'on abat... de André Malraux
Les chênes qu'on abat... de André Malraux
*
La tête
d'obsidienne (1974)
L'amour n'est pas un palmarès.
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
*
Le romantisme remplace la beauté par le sublime.
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
*
La Joconde sourit parce que tous ceux qui lui ont dessiné des moustaches
sont morts.
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
André Malraux ; La tête d'obsidienne (1974)
*
Lazare
(1974)
Philosopher, c'est apprendre à mourir.
André Malraux ; Lazare (1974)
André Malraux ; Lazare (1974)
*
Les décisions capitales sont des lapins qu'on tire au passage ; mieux vaut
savoir tirer.
André Malraux ; Lazare (1974)
André Malraux ; Lazare (1974)
*
L'égoïsme ne nous mène qu'à nous préférer, avec une véhémence confuse.
André Malraux ; Lazare (1974)
André Malraux ; Lazare (1974)
*
- Ce qui commence à disparaître, c'est la formation de l'homme. La science
peut détruire la planète, elle ne peut pas former un homme. Les sciences
humaines le montrent à merveille. L'Homme n'est pas ce qu'elles posent, mais ce
qu'elles cherchent. Ce qui rendait compte du monde avait formé les hommes - en
se formant, si je puis dire. Pas seulement les religions: le Romain, qui
éblouit l'Europe depuis la Renaissance jusqu'à Napoléon, n'était pas un type
religieux.
- Pourquoi n'apprendraient-ils pas à se former tout seuls ?
- L'homme occidental reste informe parce qu'il attend. La science,en tant
que croyance et non en tant que science, est croyance en une explication future
du monde. Et les Occidentaux ont toujours l'air de croire qu'ils vont remplacer
les Croisades par l'instruction civique. La formation de l'homme passe par le
type exemplaire:saints, chevalier, caballero, gentleman, bolchevik et autres.
L'exemplarité appartient au rêve, à la fiction, c'est la science-fiction.
Lazare de André Malraux
Lazare de André Malraux
*
La corde
et les souris (1976)
Les Français ne conçoivent guère le pouvoir ; ce qui leur est familier,
c'est l'abus de pouvoir.
André Malraux ; La corde et les souris (1976)
André Malraux ; La corde et les souris (1976)
*
La mort se lie si fortement à la douleur que l'homme reste stupéfait devant
une maladie.
André Malraux ; La corde et les souris (1976)
André Malraux ; La corde et les souris (1976)
*
L'homme
précaire et la littérature (1977)
Il y a des enfants sans état civil, il n'y a pas d'enfant sans mère.
André Malraux ; L'homme précaire et la littérature (1977)
André Malraux ; L'homme précaire et la littérature (1977)
*
Ni une doctrine ni un individu, ne suffisent à faire un homme.
L'Homme Précaire et la Littérature de André Malraux
L'Homme Précaire et la Littérature de André Malraux
*
Lettres
choisies: (1920-1976) de André Malraux
Cher Ami,
Faites toutes sortes d'amitiés à Bourotte si cette lettre vous atteint à temps ; et ne manquez pas de faire remarquer à cet (sic) andouille que quand je lui demande une photo de Çiva debout, ce n'est pas une raison pour qu'il m'en envoie une du même personnage assis.
J'attends avec une impatience confiante les cigarettes, le café, et le petit chat égyptien qui ne manquera pas de déchirer tous les rideaux et faciliter, par ces moyens directs et magiques l'incendie rapide de la maison. Madeleine s'inquiète déjà de ne ce qu'il ne pourra se reproduire qu'avec des chattes locales ! Mais les femmes sont généralement obsédées par l'avenir.
Je continue à rêver vaguement d'aller faire un tour dans des pays sur vôtre bateau avant qu'il ne se décide à couler. J'ai l'illusion de terminer la Psychologie de l'Art et l'illusion beaucoup plus délirante que les éditeurs seront capables de le sortir rapidement. Enfin vous en connaîtrez la publication par expérience, puisque vous le recevrez.
Bien amicalement.
( lettre à André Girard, commissaire de bord du courrier français pour le Japon La Marseillaise)
Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux
Faites toutes sortes d'amitiés à Bourotte si cette lettre vous atteint à temps ; et ne manquez pas de faire remarquer à cet (sic) andouille que quand je lui demande une photo de Çiva debout, ce n'est pas une raison pour qu'il m'en envoie une du même personnage assis.
J'attends avec une impatience confiante les cigarettes, le café, et le petit chat égyptien qui ne manquera pas de déchirer tous les rideaux et faciliter, par ces moyens directs et magiques l'incendie rapide de la maison. Madeleine s'inquiète déjà de ne ce qu'il ne pourra se reproduire qu'avec des chattes locales ! Mais les femmes sont généralement obsédées par l'avenir.
Je continue à rêver vaguement d'aller faire un tour dans des pays sur vôtre bateau avant qu'il ne se décide à couler. J'ai l'illusion de terminer la Psychologie de l'Art et l'illusion beaucoup plus délirante que les éditeurs seront capables de le sortir rapidement. Enfin vous en connaîtrez la publication par expérience, puisque vous le recevrez.
Bien amicalement.
( lettre à André Girard, commissaire de bord du courrier français pour le Japon La Marseillaise)
Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux
*
On peut exprimer ses idées dans
l'abstrait ( directement) ou par parabole. Dans le second cas - Dostoïevski,
Stendhal, Gide - et peut-être Shakespeare - la fiction est informée du dedans
au lieu de l'être du dehors, et les personnages naissent les uns des autres,
comme s'ils n'étaient destinés qu'à incarner des états successifs de la
philosophie de l'auteur. On pourrait parler d'une "philosophie" qui
s'exprime en exposant son domaine au lieu d'édifier son système. et le récit,
alors, n'est plus tout à fait un récit, de même que Hamlet n'est pas tout à
fait un drame.. (lettre à un critique)
Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux
Lettres choisies: (1920-1976) de André Malraux
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